[Napoléon 3] L'empereur des rois
Amsterdam.
Il dit au général Junot : « Vous ne sauriez être clément qu’en étant sévère, sans quoi ce malheureux pays et le Piémont sont perdus et il faudra des flots de sang pour assurer la tranquillité de l’Italie… »
Junot exécute les ordres, détruit les villages rebelles.
« Je vois avec plaisir, commente Napoléon, que le village de Mezzano qui a pris le premier les armes sera brûlé… Il y aura beaucoup d’humanité et de clémence dans cet acte de rigueur, parce qu’il préviendra d’autres révoltes. »
Mais la tentation de ces hommes est toujours de se faire aimer plutôt que de gouverner avec la force nécessaire .
Napoléon s’indigne quand il lit les rapports que Joseph lui envoie de Naples. Il n’a que peu de confiance en ce frère aîné qui n’a jamais affronté les combats.
Il lui répète : « Quand on a de grands États, on ne les maintient que par des actes de sévérité », alors que Joseph s’imagine que les Napolitains le portent dans leur coeur !
Il se croit roi de toute éternité. Il a déjà effacé de son esprit qu’il n’est souverain de Naples que par la volonté et les armes de l’Empereur ! Pour qui se prend-il ?
« Vous comparez l’attachement des Français à ma personne à celui des Napolitains pour vous, lui écrit Napoléon. Cela paraîtrait une épigramme. Quel amour voulez-vous qu’ait pour vous un peuple pour qui vous n’avez rien fait, chez lequel vous êtes par droit de conquête avec quarante mille à cinquante mille étrangers ? »
Mais Joseph veut-il voir cette réalité en face ?
Napoléon ricane, amer.
Ils ne comprennent rien !
« Mettez bien ceci dans vos calculs, dit-il à Joseph, que quinze jours plus tôt ou plus tard vous aurez une insurrection… Quelle que chose que vous fassiez, vous ne vous soutiendrez jamais dans une ville comme Naples par l’opinion… Mettez de l’ordre, désarmez, désarmez. »
Il faut lui répéter : « Faites condamner à mort les chefs des masses… Tout espion doit être fusillé ; tout chef d’émeute doit être fusillé ; tout lazzarone qui donne des coups de stylet à un soldat doit être fusillé. »
Mais Joseph comprendra-t-il que gouverner est un art plein d’exigence et de rigueur ?
Napoléon entre dans les détails : la cuisine d’un souverain doit être surveillée, sinon gare au poison. Aucune précaution ne doit être négligée dans la vie quotidienne d’un roi. « Personne ne doit entrer chez vous la nuit, que votre aide de camp qui doit coucher dans la pièce qui précède votre chambre à coucher ; votre porte doit être fermée en dedans et vous ne devez ouvrir à votre aide de camp que lorsque vous avez bien reconnu sa voix, et lui-même ne doit frapper à votre porte qu’après avoir eu soin de fermer la porte de la chambre où il se trouve… »
Il faut tout enseigner à Joseph. La prudence d’un roi et l’art de la guerre. Et pour quel résultat ?
« Votre gouvernement n’est pas assez vigoureux, vous craignez d’indisposer les gens », doit encore écrire Napoléon le 5 juillet 1806. Et quelques jours plus tard, quand il apprend que les Anglais ont débarqué, battu le général Reynier, son indignation éclate, plus cinglante : « Ce serait vous affliger inutilement que de vous dire tout ce que je pense, écrit-il. Si vous vous faites roi fainéant au lieu de m’être utile, vous me nuirez car vous m’ôterez de mes moyens… » Et, lorsque Joseph sollicite une audience à Saint-Cloud, la réponse jaillit comme un soufflet : « Un roi doit se défendre et mourir dans ses États. Un roi émigré et vagabond est un sot personnage. »
Ce que voudraient Joseph et Louis, et tous, princes, maréchaux, c’est la paix, de façon à pouvoir jouir de leur pouvoir et de leurs biens.
Napoléon le sait. Il a le même désir, dit-il.
Un jour de février 1806, il accorde une audience à Talleyrand. Le ministre des Relations extérieures est rayonnant. Il vient de recevoir une dépêche en provenance de Londres. Fox, qui a succédé à William Pitt, lui annonce qu’il a eu connaissance d’une tentative d’assassinat contre le « Chef des Français » et qu’il a fait arrêter son auteur. Un signe, n’est-ce pas, des intentions pacifiques de Fox ? Peut-être va-t-on retrouver le climat qui conduisit, en 1802, à la paix d’Amiens, ce grand moment d’espoir.
— Remerciez Fox de ma part, dit Napoléon. La
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