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Notre-Dame de Paris

Notre-Dame de Paris

Titel: Notre-Dame de Paris Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Victor Hugo
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impur et dépravé.
    Et quand il cherchait à se faire une idée du bonheur qu’il eût put trouver sur la terre si elle n’eût pas été bohémienne et s’il n’eût pas été prêtre, si Phœbus n’eût pas existé et si elle l’eût aimé ; quand il se figurait qu’une vie de sérénité et d’amour lui eût été possible aussi à lui, qu’il y avait en ce même moment çà et là sur la terre des couples heureux, perdus en longues causeries sous les orangers, au bord des ruisseaux, en présence d’un soleil couchant, d’une nuit étoilée ; et que, si Dieu l’eût voulu, il eût pu faire avec elle un de ces couples de bénédiction, son cœur se fondait en tendresse et en désespoir.
    Oh ! elle ! c’est elle ! c’est cette idée fixe qui revenait sans cesse, qui le torturait, qui lui mordait la cervelle et lui déchiquetait les entrailles. Il ne regrettait pas, il ne se repentait pas ; tout ce qu’il avait fait, il était prêt à le faire encore ; il aimait mieux la voir aux mains du bourreau qu’aux bras du capitaine, mais il souffrait ; il souffrait tant que par instants il s’arrachait des poignées de cheveux pour voir s’ils ne blanchissaient pas.
    Il y eut un moment entre autres où il lui vint à l’esprit que c’était là peut-être la minute où la hideuse chaîne qu’il avait vue le matin resserrait son nœud de fer autour de ce cou si frêle et si gracieux. Cette pensée lui fit jaillir la sueur de tous les pores.
    Il y eut un autre moment où, tout en riant diaboliquement sur lui-même, il se représenta à la fois la Esmeralda comme il l’avait vue le premier jour, vive, insouciante, joyeuse, parée, dansante, ailée, harmonieuse, et la Esmeralda du dernier jour, en chemise, et la corde au cou, montant lentement, avec ses pieds nus, l’échelle anguleuse du gibet ; il se figura ce double tableau d’une telle façon qu’il poussa un cri terrible.
    Tandis que cet ouragan de désespoir bouleversait, brisait, arrachait, courbait, déracinait tout dans son âme, il regarda la nature autour de lui. À ses pieds, quelques poules fouillaient les broussailles en becquetant, les scarabées d’émail couraient au soleil, au-dessus de sa tête quelques croupes de nuées gris pommelé fuyaient dans un ciel bleu, à l’horizon la flèche de l’abbaye Saint-Victor perçait la courbe du coteau de son obélisque d’ardoise, et le meunier de la butte Copeaux regardait en sifflant tourner les ailes travailleuses de son moulin. Toute cette vie active, organisée, tranquille, reproduite autour de lui sous mille formes, lui fit mal. Il recommença à fuir.
    Il courut ainsi à travers champs jusqu’au soir. Cette fuite de la nature, de la vie, de lui-même, de l’homme, de Dieu, de tout, dura tout le jour. Quelquefois il se jetait la face contre terre, et il arrachait avec ses ongles les jeunes blés. Quelquefois il s’arrêtait dans une rue de village déserte, et ses pensées étaient si insupportables qu’il prenait sa tête à deux mains et tâchait de l’arracher de ses épaules pour la briser sur le pavé.
    Vers l’heure où le soleil déclinait, il s’examina de nouveau, et il se trouva presque fou. La tempête qui durait en lui depuis l’instant où il avait perdu l’espoir et la volonté de sauver l’égyptienne, cette tempête n’avait pas laissé dans sa conscience une seule idée saine, une seule pensée debout. Sa raison y gisait, à peu près entièrement détruite. Il n’avait plus que deux images distinctes dans l’esprit : la Esmeralda et la potence. Tout le reste était noir. Ces deux images rapprochées lui présentaient un groupe effroyable, et plus il y fixait ce qui lui restait d’attention et de pensée, plus il les voyait croître, selon une progression fantastique, l’une en grâce, en charme, en beauté, en lumière, l’autre en horreur ; de sorte qu’à la fin la Esmeralda lui apparaissait comme une étoile, le gibet comme un énorme bras décharné.
    Une chose remarquable, c’est que pendant toute cette torture il ne lui vint pas l’idée sérieuse de mourir. Le misérable était ainsi fait. Il tenait à la vie. Peut-être voyait-il réellement l’enfer derrière.
    Cependant le jour continuait de baisser. L’être vivant qui existait encore en lui songea confusément au retour. Il se croyait loin de Paris ; mais, en s’orientant, il s’aperçut qu’il n’avait fait que tourner l’enceinte de l’Université. La flèche de

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