Odyssée
puis, les réunissant, ils les fixèrent par un noeud. Et ils apportèrent de la chambre nuptiale les présents infinis destinés au rachat de Hektôr, et ils les amassèrent sur le char. Puis, ils mirent sous le joug les mulets aux sabots solides que les Mysiens avaient autrefois donnés à Priamos. Et ils amenèrent aussi à Priainos les chevaux que le vieillard nourrissait lui-
même à la crèche polie. Et, sous les'hauts portiques, le héraut et Priamos, tous deux pleins de prudence, les attelèrent.
Puis, Hékabè, le coeur triste, s'approcha d'eux, portant de sa main droite un doux vin dans une coupe d'or, afin qu'ils fissent des libations. Et, debout devant les chevaux, elle dit à Priamos :
- Prends, et fais des libations au père Zeus, et prie-le, afin de revenir dans tes demeures du milieu des ennemis, puisque ton coeur te pousse vers les nefs, malgré moi. Supplie le Kroniôn Idaien qui amasse les noires nuées et qui voit toute la terre d'Ilios. Demande-lui d'envoyer à ta droite celui des oiseaux qu'il aime le mieux, et dont la force est la plus grande ; et, le voyant de tes yeux, tu marcheras, rassuré, vers les nefs des cavaliers Danaens. Mais si Zeus qui tonne au loin ne t'envoie point ce signe, je ne te conseille point d'aller vers les nefs des Argiens, malgré ton désir.
Et Priamos semblable à un Dieu, lui répondant, parla ainsi :
- ‘ femme, je ne repousserai point ton conseil. Il est bon d'élever ses mains vers Zeus, afin qu'il ait pitié de nous.
Le vieillard parla ainsi, et il ordonna à une servante de verser une eau pure sur ses mains. Et la servante apporta le bassin et le vase. Et Priamos, s'étant lavé les mains, reçut la coupe de Hékabè ; et, priant, debout au milieu de la cour, il répandit le vin, regardant l'Ouranos et disant:
- Père Zeus, qui règnes sur l'Ida, très-glorieux, très-grand, accorde-moi de trouver gr‚ce devant Akhilleus et de lui inspirer de la compassion.
Envoie à ma droite celui de tous les oiseaux que tu aimes le mieux, et dont la force est la plus grande, afin que, le voyant de mes yeux, je marche, rassuré, vers les nefs des cavaliers Danaens.
Il parla ainsi en priant, et le sage Zeus l'entendit, et il envoya le plus véridique des oiseaux, l'aigle noir, le chasseur, celui qu'on nomme le tacheté. Autant s'ouvrent les portes de la demeure d'un homme riche, autant s'ouvraient ses deux ailes. Et il apparut, volant à droite au-dessus de la Ville ; et tous se réjouirent de le voir, et leur coeur f˚t joyeux dans leurs poitrines.
Et le vieillard monta aussitôt sur le beau char, et il le poussa hors du vestibule et du portique sonore. Et les mulets traînaient d'abord le char aux quatre roues, et le sage Idaios les conduisait. Puis, venaient les chevaux que Priamos excitait du fouet, et tous l'accompagnaient par la ville, en gémissant, comme s'il allait à la mort. Et quand il fut descendu d'Dios dans la plaine, tous revinrent dans la Ville, ses fils et ses gendres.
Et Zeus au large regard, les voyant dans la plaine, eut pitié du vieux Priamos, et, aussitôt, il dit à son fils bien-aimé Herrnéias :
- Hennéias, puisque tu te plais avec les hommes et que tu peux exaucer qui tu veux, va! conduis Priamos aux nefs creuses des Akhaiens, et fais qu'aucun des Danaens ne l'aperçoive avant qu'il parvienne au Pèléide.
Il parla ainsi, et le Messager tueur d'Argos obéit. Et aussitôt il attacha à ses talons de belles ailes immortelles et d'or qui le portaient sur la mer et sur la terre immense comme le souffle du vent. Et il prit la verge qui, selon qu'il le veut, ferme les paupières des hommes ou les éveille.
Et, la tenant à la main, l'illustre Tueur d'Argos s'envola et parvint aussitôt à Troiè et au Hellespontos. Et il s'approcha, semblable à un jeune homme royal dans la fleur de sa belle jeunesse.
Et les deux vieillards, ayant dépassé la grande tombe d'Ilos, arrêtèrent les mulets et les chevaux pour les faire boire au fleuve. Et déjà l'ombre du soir se répandait sur la terre. Et le héraut aperçut Herméias, non loin, et il dit à Priamos :
- Prends garde, Dardanide ! Ceci demande de la prudence. Je vois un homme, et je pense que nous allons périr. Fuyons promptement avec les chevaux, ou supplions-le en embrassant ses genoux. Peut-être aura-t-il pitié de nous.
Il parla ainsi et l'esprit de Priamos fut troublé, et il eut peur, et ses cheveux se tinrent droits sur sa tête courbée, et il resta stupéfait. Mais
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