Oeuvres de Napoléon Bonaparte, TOME III.
Grande-Bretagne.—Résultant de l'épreuve de ses ressources et de son énergie, eh ! qui doute que votre peuple, qui règne sur les deux mondes, ne soit riche, brave et plein d'énergie ?
Certes, ces expressions, l'épreuve de ses propres ressources et de son énergie, doivent retentir dans toute l'Europe : ainsi vous vous battez pour montrer que vous pouvez vous battre ; vous accablez vos peuples pour faire connaître que vous êtes riches ; vous produisez le malheur des générations actuelles pour constater cette énergie que personne n'avait envie de vous contester. L'Europe jugera si de pareils sentimens sont le résultat de la grandeur ou de la faiblesse de l'âme, de la sagesse ou de la folie.
Mais si nous admettons que, d'après l'inconstance de la fortune et les vicissitudes de la guerre, l'armée française pût trouver au sein de la Grande-Bretagne la défaite et le malheur, admettez à votre tour qu'une armée de vétérans, dont chaque soldat a affronté la mort dans tant de batailles, et que conduisent des hommes à qui l'Europe accorde quelqu'estime, peut, soit par son courage, soit par quelques manoeuvres, porter au milieu de vous le malheur, la confusion et la défaite, quel avantage en résultera pour la France ? ce ne sera pas de surmonter les difficultés actuelles : il n'en existe aucune pour elle ; de repousser un danger immédiat : il n'est dans cette lutte, aucun danger immédiat pour elle ; d'établir la sûreté et l'indépendance de l'état sur la base de sa force reconnue, résultant de l'épreuve de ses propres ressources et de son énergie : sa sûreté, son indépendance, sa force, ses propres ressources et son énergie, sont comme l'éclat du soleil : il n'est besoin d'aucune preuve pour les constater.
Le résultat serait pour elle de vous arracher ce trident, acquis par cinquante années de bonheur, par les vertus de vos pères, et conservé par la duplicité de votre cabinet ; de venger cette Hibernie infortunée, de la restituer aux nations, et de faire luire sur cette terre, arrosée de sang et de larmes, des jours sereins et prospères... ce serait...
Enfin, l'Europe attentive à la lecture de ce discours, sera frappée d'un seul sentiment. Quoi ! les ministres de la Grande-Bretagne sont assez insensés pour mettre dans la bouche de leur roi, et pour proclamer, dans un jour solennel, que du sort d'une bataille dépendent les destinées de ce colosse qui pèse sur les deux mondes ?
Si du sort d'une bataille avait dépendu celui d'un seul des nouveaux départemens acquis par la France, nous sommes assurés qu'elle eût fait la paix, qu'elle n'eût pas repoussé vos injustes prétentions, qu'elle eût cédé Malte. Cette conduite aurait été conforme aux devoirs imposés à tous les hommes, chefs ou ministres, dont les volontés influent sur le sort des nations.
Paris, le 25 nivose an 12 (16 janvier 1804).
Au corps législatif.
EXPOSÉ DE LA SITUATION DE LA RÉPUBLIQUE.
La république a été forcée de changer d'attitude, mais elle n'a point changé de situation ; elle conserve toujours, dans le sentiment de sa force, le gage de sa prospérité. Tout était calme dans l'intérieur de la France, lorsqu'au commencement de l'année dernière, nous entretenions encore l'espoir d'une paix durable. Tout est resté calme depuis qu'une puissance jalouse a rallumé les torches de la guerre ; mais sous cette dernière époque, l'union des intérêts et des sentimens s'est montrée plus pleine et plus entière ; l'esprit public s'est développé avec plus d'énergie.
Dans les nouveaux départemens que le premier consul a parcourus [Ceux de la Belgique.], il a entendu, comme dans les anciens, les accens d'une indignation vraiment française ; il a reconnu, dans leur haine contre un gouvernement ennemi de notre prospérité, mieux encore que dans les élans de la joie publique et d'une affection personnelle, leur attachement à la patrie, leur dévouement à sa destinée.
Dans tous les départemens, les ministres du culte ont usé de l'influence de la religion pour consacrer ce mouvement spontané des esprits. Des dépôts d'armes que des rebelles fugitifs avaient confiés à la terre, pour les reprendre dans un avenir que leur forgeait une coupable prévoyance, ont été révélés au premier signal du danger, et livrés aux magistrats pour en armer nos défenseurs.
Le gouvernement britannique tentera de jeter, et peut-être il a déjà jeté sur nos côtes quelques-uns
Weitere Kostenlose Bücher