Oeuvres de Napoléon Bonaparte, TOME III.
l'obéissance, les événemens extraordinaires qui viennent de se passer, me décident seuls à passer au milieu des escadres ennemies pour me rendre en Europe. Je serai d'esprit et de coeur avec vous. Vos succès me seront aussi chers que ceux où je me trouverais en personne, et je regarderai comme mal employés tous les jours de ma vie où je ne ferai pas quelque chose pour l'armée dont je vous laisse le commandement, et pour consolider le magnifique établissement dont les fondemens viennent d'être jetés.
L'armée que je vous confie est toute composée de mes enfans ; j'ai eu dans tous les temps, même au milieu des plus grandes peines, des marques de leur attachement. Entretenez-les dans ces sentimens, vous le devez à l'estime et à l'amitié toute particulière que j'ai pour vous et à l'attachement vrai que je leur porte.
BONAPARTE.
FIN DU DEUXIÈME LIVRE.
LIVRE TROISIÈME. CONSULAT.
Au quartier-général de Paris, le 18 brumaire an 8 (9 novembre 1799).
Bonaparte, général en chef, aux citoyens composant la garde nationale sédentaire de Paris.
Citoyens, le Conseil des Anciens, dépositaire de la sagesse nationale, vient de rendre le décret ci-joint [Par ce décret rendu le 17 brumaire, le Conseil des Anciens chargeait le général Bonaparte de prendre toutes les mesures nécessaires à la sûreté de la représentation nationale, transférée à Saint-Cloud.] ; il est autorisé par les articles 102 et 103 de l'acte constitutionnel.
Il me charge de prendre les mesures nécessaires pour la sûreté de la représentation nationale. Sa translation est nécessaire et momentanée. Le corps législatif se trouvera à même de tirer la représentation du danger imminent où la désorganisation de toutes les parties de l'administration nous conduit.
Il a besoin, dans cette circonstance essentielle, de l'union et de la confiance des patriotes. Ralliez-vous autour de lui : c'est le seul moyen d'asseoir la république sur les bases de la liberté civile, du bonheur intérieur, de la victoire et de la paix.
BONAPARTE.
Aux soldats composant la force armée de Paris.
Soldats, le décret extraordinaire du Conseil des Anciens est conforme aux art. 102 et 103 de l'acte constitutionnel. Il m'a remis le commandement de la ville et de l'armée.
Je l'ai accepté pour seconder les mesures qu'il va prendre et qui sont tout entières en faveur du peuple.
La république est mal gouvernée depuis deux ans.
Vous avez espéré que mon retour mettrait un terme à tant de maux ; vous l'avez célébré avec une union qui m'impose des obligations que je remplis ; vous remplirez les vôtres et vous seconderez votre général avec l'énergie, la fermeté et la confiance que j'ai toujours vues en vous.
La liberté, la victoire et la paix replaceront la république française au rang qu'elle occupait en Europe, et que l'ineptie ou la trahison a pu seule lui faire perdre.
Vive la république !
BONAPARTE.
Paris, 18 et 19 brumaire an 8 (9 et 10 novembre 1799).
[Nous rapporterons sous cette date les discours tenus par Bonaparte dans ces deux journées mémorables qui devaient changer la face de la France. Ils seront un jour recueillis par l'histoire, car les moindres phrases qui les composent portent l'empreinte de cette âme ambitieuse et extraordinaire qui devait donner des fers à toute l'Europe.]
(Barras, l'un des cinq directeurs, effrayé de la tournure que prenaient les affaires, envoya, dans la matinée, à Saint-Cloud son secrétaire Bottot, afin de savoir de Bonaparte ses intentions. Le général, entouré d'une foule de militaires de tout grade, le reçut avec hauteur, et lui parlant comme s'il se fût adressé au Directoire, il lui tint ce foudroyant langage) :
Qu'avez-vous fait de cette France que je vous ai laissée si brillante ? Je vous ai laissé la paix, j'ai retrouvé la guerre : je vous ai laissé des victoires, j'ai retrouvé des revers : je vous ai laissé les millions de l'Italie, et j'ai trouvé partout des lois spoliatrices et la misère. Qu'avez-vous fait de cent mille Français que je connaissais, tous mes compagnons de gloire ? Ils sont morts.
Cet état de chose ne peut durer : avant trois ans il nous mènerait au despotisme ; mais nous voulons la république, la république assise sur les bases de l'égalité, de la morale, de la liberté civile et de la tolérance politique. Avec une bonne administration, tous les individus oublieront les factions dont on les fit membres, pour leur permettre
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