Piège pour Catherine
menait et, pour la circonstance, on les avait armés autant qu'il était possible de le faire sans les rendre trop bruyants.
Outre Nicolas et deux de ses hommes, l'expédition se composait des deux fils Malvezin, Jacques et Martial, de Guillaume Bastide, le talmelier qui avait la force d'un taureau, et du gigantesque Antoine Couderc, le maréchal-ferrant. Tous avaient des haches et des dagues.
Seul l'Antoine ne portait que la lourde masse qui lui servait à battre le fer.
— Je ne saurais pas manier autre chose, mais ça, je sais m'en servir
! affirmait-il. Et, croyez-moi, j'en découdrai bien quelques-uns. Ce sera déjà une consolation pour nos morts !
Car, cette fois, l'assaut, que Bérault d'Apchier avait lancé contre la ville dès le lever du jour avait été meurtrier. Rendus enragés par des jours et des jours d'inaction sous la pluie, les routiers s'étaient jetés aux échelles avec une fureur telle qu'on avait eu grand-peine à les contenir. Un moment même la barbacane de la porte d'Aurillac avait bien failli être emportée, mais le vieux Donat de Galauba, voyant le danger, s'était rué au secours de la défense avec une poignée de garçons de ferme dont, depuis le début du siège, il avait essayé de faire des soldats. Galvanisés par son exemple, les jeunes gars avaient accompli des prodiges, mais trois d'entre eux étaient tombés sur le chemin de ronde et Donat lui-même, la gorge traversée d'un carreau d'arbalète, avait terminé là, dans le feu de la bataille, une vie d'honneur et de fidélité tout entière consacrée aux armes de la maison de Montsalvy. A cette heure, il reposait dans sa vieille armure, couché au milieu de la grande salle du château sur la bannière de Montsalvy qu'il avait toujours si vaillamment défendue.
Catherine, elle-même, avait placé sa grande épée sous ses deux mains jointes et déposé à ses pieds, sur un coussin de velours, les gantelets et les éperons d'or.
Elle l'avait fait pieusement et avec une sorte de tendresse. Elle avait pleuré aussi sur ce vieux serviteur dont elle ne pouvait s'empêcher de penser qu'il était mort pour elle. Mais sa colère et sa haine s'étaient accrues de ses larmes et de ses regrets. C'était avec une volonté plus farouche que jamais qu'elle avait donné le signal du départ de l'expédition.
— Il me faut des prisonniers, avait-elle répété à Nicolas. Au moins un, si c'est le bon !
Maintenant, elle attendait, luttant de son mieux pour dominer sa fièvre et sa faiblesse. Malgré les compresses de Sara, et le baume dont elle l'avait enduite, son épaule la brûlait et gênait les mouvements de son bras.
— Que c'est long ! Mon Dieu que c'est long ! mur- mura-t-elle entre ses dents. Pourvu que les choses n'aient pas mal tourné !
Le page, qui osait à peine respirer de crainte de troubler les pensées sombres de sa maîtresse, prit son courage à deux mains :
— Voulez-vous que j'aille voir, Dame Catherine ?
Je pourrais descendre à l'entrée du souterrain et écouter si je les entends venir ?
Elle s'efforça de lui sourire, sachant bien ce qu'avait pu coûter cette proposition à sa prudence naturelle.
— C'est inutile. Il fait trop noir dans ce trou et vous vous rompriez le cou sans profit pour personne.
— Je pourrais prendre l'une des deux torches qui nous éclairent...
— Non, Bérenger, restez tranquille. Votre place est près de moi.
D'ailleurs, il me semble que j'entends des pas...
— En effet... mais ils viennent de l'étage supérieur, pas du souterrain.
Un instant plus tard, en effet, l'abbé Bernard, flanqué des deux frères Cairou, apparaissait au bas de l'escalier du donjon. En apercevant Catherine repliée sur elle- même dans les fourrures d'où n'émergeait que son visage tiré, il hocha la tête avec une exclamation où entraient à la fois de la pitié et du mécontentement.
— Je pensais bien vous trouver ici. Vraiment, mon amie, vous n'êtes pas raisonnable ! Que ne laissez-vous Josse et Nicolas mener cette affaire ? Ils sont grandement capables de s'en tirer à votre entière satisfaction. N'avez-vous pas confiance en eux ?
— Vous savez bien que si ! Mais ceci est une opération de justice et la justice est mienne. Elle est mon devoir... et mon droit.
— Elle est aussi le mien. Laissez-moi vous remplacer, Catherine.
La fièvre vous brûle et vous ne vous soutenez qu'à peine. Rentrez chez vous et laissez-moi faire : je vous promets que vous serez contente.
Mais,
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