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Tu montreras ma tête au peuple

Tu montreras ma tête au peuple

Titel: Tu montreras ma tête au peuple Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: François-Henri Désérable
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enfant, quand il s’agit du salut de la
République ?
     

    13 juillet 1793

    Marat est mort. Une ci-devant l’a poignardé dans son
bain.
     

    14 juillet 1793

    Où en est-on, quatre ans après ?
     

    20 juillet 1793

    Acheté buste à l’effigie de l’ami du peuple rue de
Grenelle-Saint-Germain. Celui de Lepeletier, au coin
de l’âtre, se sentait bien seul

                Depuis un coup d’épée

                    D’un dénommé Pâris,

                    Chez Février, Paris,

                    Une nuit de janvier.

    23 juillet 1793

    Le plâtre est fragile : Louise a trébuché sur Marat
qui s’est brisé en plusieurs morceaux. Lepeletier n’a
pas versé une larme. Aucune sensibilité.
     

    1 er août 1793

    La porte s’ouvre.

    Cinq mètres de long, cinq mètres de large.

    Un lit de sangle, deux chaises, un oreiller, une couverture, un seau, un vieux tapis.

    Elle se déshabille, accroche sa montre à un clou, se
couche. Il est quatre heures du matin.

    La porte se ferme.
     

    2 août 1793

    Une seule question taraude Jeannot : « Comment est
sa gorge ? »

    Il y répond lui-même : « Foutre, on finira bien par le
savoir ! »
     

    3 août 1793

    Depuis deux jours, Louise me presse de questions :
Comment va-t-elle ? Que fait-elle de ses journées ?
Et surtout – ce qui l’intéresse au plus haut point – :
Comment est-elle habillée ?

    Je n’ose lui répondre ou je réponds à côté. Que
pourrais-je bien lui dire ? Qu’elle semble morne, abattue, résignée ? Qu’elle passe son temps à prier ? Que
lorsqu’elle ne prie plus, c’est seulement pour pleurer ?Qu’elle est vêtue comme une femme du peuple et
traitée comme une femme du peuple ?

    Non, mieux vaut lui cacher tout cela. Se borner à
tenir ce journal. Il me sert d’exutoire.
     

    4 août 1793

    Rosalie Lamorlière, blanchisseuse de son état, est
au service de la concierge Richard depuis quelques
mois. C’est elle qui a été désignée pour s’occuper
de la reine pendant son séjour ici. Elle et nous, ses
gardiens.
     

    5 août 1793

    Nous sommes deux à avoir été placés en faction dans
la chambre. L’autre bleu, Jeannot, est un jacobin de
la première heure. Il parle comme le Père Duchesne :

    — Et vite, qu’elle saute, la tête de la grue, qu’on
la fasse jouer à colin-maillard avec la guillotine, que
sa bougre de race expie sur l’échafaud tous les crimes
qu’elle a commis ! Foutre, qu’on lui fasse essayer la
cravate de Sanson comme on l’a fait essayer au cornard Capet ! Qu’on lui donne des valets pour faire
sa toilette ! Et quoiqu’elle n’ait pas de barbe, qu’on la
lui fasse ! On rasera toujours les reines !

    J’ai bien essayé d’éveiller sa compassion :

    — Ce n’est qu’une femme...

    — Une garce, oui ! Une créature ! Une mijaurée !

    — Qui n’est plus reine.

    — D’un sac à charbon on ne saurait tirer blanche
farine ! Foutre, la caque sent toujours le hareng !

    — Modère tes propos.

    — Tu tournes casaque à la République, citoyen ?

    — Je ne peux consentir à enfoncer...

    — Mille millions de tonnerre ! Pourquoi lui donner
des égards ? Bientôt, on lui aura passé le collier de
l’égalité ! Ça ne coûtera pas si cher que le collier-Rohan qui scintillait sur sa foutue gorge !

    Je renonce.
     

    6 août 1793

    La montre lui a été confisquée.

    Comme je m’étonnais qu’elle pleurât la perte d’un
simple objet, elle me dit, pour se justifier : « Je la tenais
de ma mère. Elle ne m’avait jamais quittée. »

    C’est la première fois qu’elle m’adresse la parole.

    Le temps doit lui paraître bien long désormais.
     

    7 août 1793

    Il n’y a pas qu’à elle que le temps paraît long. À
Jeannot, aussi. Mais pour d’autres raisons : « Foutre,
une semaine qu’elle est arrivée et pas une fois on a vu
sa gorge ! »
     

    8 août 1793

    Chaque matin, Barassin nettoie la cellule. Le bandit
de grands chemins s’acquitte de la tâche en maugréant,
puis il vide la griache et fait brûler du genièvre pour
masquer les odeurs. Eh oui, les reines aussi...
     

    9 août 1793

    — Tu sais, m’a dit Louise, j’ai beau ne l’avoir jamais
vue, je la tiens pour une amie. J’ai passé des années àlui confectionner des robes et j’étais fière, très fière,
de savoir qu’elle les portait.

    Habiller la

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