Vers l'orient
problèmes que vous êtes, et abandonne-moi à mes petites
misères féminines.
Malgré le sombre tableau que m’avait peint Phalène des
faiblesses des femmes, jamais je n’ai pu, depuis lors, me les représenter comme
imparfaites ou défectueuses, à moins que l’une d’entre elles ne se révélât
clairement fautive, comme l’avait fait Dona Ilaria en son temps. Alors, oui,
elle perdait effectivement toute mon estime. Depuis que nous avions pénétré en
Orient, j’avais eu plusieurs occasions d’apprécier les jolies femmes et,
toujours heureux de faire de nouvelles découvertes à leur sujet, je ne me
sentais certes pas prêt à les dévaloriser.
Pour illustrer mon propos, j’ai longtemps cru, étant
jeune, que la beauté physique de la femme ne résidait que dans certains traits
facilement identifiables, tels le visage, les seins, les jambes et les
fesses ; ou dans certains autres moins visibles, tel qu’un bel artichaut
accueillant (c’est-à-dire éventuellement accessible), avec son mont de Vénus,
ses petites lèvres et son mihrab. Mais l’expérience venant, j’ai appris
à découvrir d’autres traits où la beauté peut venir se nicher de façon beaucoup
plus subtile. Pour n’en citer qu’un, je raffole de ces tendons délicats qui
relient, dans l’entrejambe féminin, le mont de Vénus à l’intérieur des cuisses
et n’apparaissent que lorsqu’elle les écarte. J’ai aussi pu constater que,
parmi les attributs des belles femmes, il existe des différences qui ne font
que les rendre plus excitantes encore. Toutes les beautés ont ainsi des seins
et des tétons admirables, mais ceux-ci, s’ils sont tous délectables, peuvent
être de forme, de proportions et de coloris variés. Les créatures les plus
parfaites ont bien sûr toutes un mihrab irréprochable, mais Dieu !
que de subtiles différences entre ceux-ci : ils peuvent être placés plus
vers l’avant ou plus vers le dessous, avoir des lèvres plus ou moins colorées
ou profondes, offrir une ouverture plus ou moins resserrée. La position du zambur varie également, lui-même étant plus ou moins développé et érectile...
Je sais que tout ceci peut apparaître plus lascif que
galant. Mais je veux juste affirmer ici avec vigueur que jamais je n’ai pu
déprécier les belles femmes qui peuplent cette planète et que jamais je ne
pourrai le faire. Pas même ici, à Bagdad, où la princesse Phalène, pourtant
l’une des plus splendides, me les avait dépeintes sous leur aspect le moins
attrayant.
Un jour, elle m’introduisit dans le harem du palais,
non pour l’une de nos bacchanales nocturnes, mais dans l’après-midi. C’est là
que je lui avais demandé :
— Phalène, te souviens-tu de ce marchand que nous
avons vu se faire exécuter à cause de la zina qu’il avait effectuée de
façon haram ? Cette pratique est-elle chose courante, dans un
harem ?
Me lançant alors l’un de ses longs regards verts, elle
m’avait simplement répondu :
— Tu viendras t’en rendre compte par toi-même.
Cette fois, à n’en pas douter, elle avait dû
circonvenir au préalable les gardes et les eunuques, les enjoignant de regarder
ailleurs car, non contente de me faire pénétrer incognito jusqu’à son aile du
palais, elle me fît entrer de l’autre côté du mur d’un corridor dans un réduit
caché dont la cloison était percée de deux trous destinés à épier. Ceux-ci
donnaient sur deux chambres distinctes, vastes et voluptueusement garnies de
nombreux coussins. Ayant jeté un coup d’œil par chacun des deux trous, je
constatai que, pour l’instant, les chambres étaient vides.
Phalène m’expliqua :
— Ces deux chambres sont des pièces communes où
les femmes peuvent se réunir quand elles s’ennuient et en ont assez de la
solitude de leur propre habitation. Le réduit où nous nous trouvons est l’une
des nombreuses pièces d’observation d’où l’eunuque de service peut surveiller
discrètement le harem. Il reste vigilant quant aux querelles qui peuvent
éclater entre les femmes et tous les écarts de conduite qui peuvent survenir,
et en réfère à ma mère, la première épouse royale, qui est responsable du
maintien de l’ordre. L’eunuque, pour aujourd’hui, n’y viendra pas, et je vais
aller en informer les femmes. Nous observerons ensemble si elles cherchent à
tirer parti de ce défaut de surveillance, et de quelle façon.
Elle s’absenta un instant puis revint, et nous
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