Vie de Benjamin Franklin, écrite par lui-même - Tome II
je lui indiquai ; et tenant toujours la corde du cerf-volant, je traversai l'eau sans la moindre fatigue, et même avec beaucoup de plaisir. Je fus seulement obligé de temps en temps de ralentir un peu ma course, parce que je m'apperçus que quand j'allois trop vîte, le cerf-volant descendoit trop bas. Mais dès que je m'arrêtois, il remontait.
C'est la seule fois que j'ai fait usage de ce moyen, avec lequel on pourroit, je crois, traverser de Douvres à Calais. Mais le paquebot est encore préférable.
NOUVELLE MODE DE PRENDRE DES BAINS
[Ceci est extrait de quelques lettres adressées à M. Dubourg.]
Londres, le 28 juillet 1768.
J'approuve beaucoup l'épithète de tonique, que vous donnez, dans votre lettre du 8 juin, à la nouvelle méthode de traiter la petite vérole ; et je saisis cette occasion, pour vous faire part de l'usage que j'ai moi-même adopté.
Vous savez que depuis long-temps les bains froids sont employés ici comme un tonique. Mais le saisissement que produit en général l'eau froide, m'a toujours paru trop violent ; et j'ai trouvé plus analogue à ma constitution, et plus agréable de me baigner dans un autre élément, c'est-à-dire, dans l'air froid. Je me lève donc, tous les jours, de très-bon matin, et je reste alors sans m'habiller une heure ou une demi-heure, suivant la saison, m'occupant à lire, ou à écrire.
Cet usage n'est nullement pénible. Il est, au contraire, très-agréable ; et si avant de m'habiller je me remets dans mon lit, comme cela m'arrive quelquefois, c'est un supplément au repos de la nuit, et je jouis une heure ou deux d'un sommeil délectable. Je ne crois point que cela puisse avoir aucun dangereux effet. Ma santé, du moins, n'en est point altérée ; et j'imagine, au contraire, que c'est ce qui m'aide à la conserver. C'est pourquoi j'appelerai désormais ce bain, un bain tonique.
10 mars 1793.
Je ne tenterai pas d'expliquer pourquoi les vêtemens humides occasionnent des rhumes plutôt que les vêtemens mouillés ; parce que j'en doute. J'imagine, au contraire, que ni les uns ni les autres n'ont un tel effet ; et que les causes des rhumes sont absolument indépendantes de l'humidité et même du froid.
Je me propose d'écrire une petite dissertation sur ce sujet, dès que j'en aurai le temps.
À présent, je me bornerai à vous dire que croyant mal fondée l'opinion commune, qui attribue au froid la propriété de resserrer les pores et d'arrêter la transpiration insensible, j'ai engagé un jeune médecin, qui fesoit des expériences avec la balance de Sanctorius, à examiner les différentes proportions de sa transpiration, en restant une heure entièrement nud, et une heure chaudement vêtu. Il a renouvelé cette expérience pendant huit jours consécutifs, et a trouvé que sa transpiration étoit deux fois plus considérable dans les heures qu'il étoit nud.
OBSERVATIONS SUR LES IDÉES GÉNÉRALES CONCERNANT LA VIE ET LA MORT
[Ceci est aussi tiré des lettres à M. Dubourg.]
Vos observations sur les causes de la mort, et les moyens que vous proposez pour rappeler à la vie les personnes qui paraissent avoir été tuées par le tonnerre, prouvent également votre sagacité et votre humanité. Il paroît que les idées qu'on a sur la vie et sur la mort, sont en général peu exactes.
Un crapaud enseveli dans du sable, vit, dit-on, jusqu'au moment où ce sable se pétrifie ; et alors l'animal étant renfermé dans une pierre, peut vivre encore pendant une longue suite de siècles. Les faits cités à l'appui de cette opinion, sont trop nombreux, et trop bien circonstanciés pour ne pas mériter un certain degré de créance.
Accoutumés à voir manger et boire tous les animaux qui nous sont familiers, nous avons de la peine à concevoir comment un crapaud peut exister dans une pareille prison. Mais si nous réfléchissons que, dans leur état ordinaire, les animaux n'éprouvent la nécessité de prendre de la nourriture, que parce que la transpiration leur fait perdre continuellement une partie de leur substance, il nous paroîtra moins impossible que ceux qui sont dans l'engourdissement, transpirant moins, parce qu'ils ne font point d'exercice, aient moins besoin d'alimens ; et que d'autres, tels que les tortues de terre et de mer, les serpens, et quelques espèces de poisson, qu'on voit couverts d'écailles ou de coquilles, qui arrêtent la transpiration, puissent exister un temps considérable, sans prendre aucune espèce de nourriture.
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