Vie de Franklin, écrite par lui-même - Tome I
sterlings tous les jours.
Celui qui prodigue sottement pour cinq schellings de son temps, perd cinq schellings, avec autant d'imprudence que s'il les jetoit dans la mer.
Celui qui perd cinq schellings, non-seulement perd ces cinq schellings, mais tout le profit qu'il pourroit en retirer en les fesant travailler ; ce qui, dans l'espace de temps, qui s'écoule entre la jeunesse et l'âge avancé, doit s'élever à une somme considérable.
De plus : celui qui vend à crédit, met toujours, à l'objet qu'il vend, un prix équivalent au principal et à l'intérêt de son argent, pour le temps dont il doit en être privé. Celui qui achète à crédit, paie l'intérêt de ce qu'il achète : et celui qui paie argent comptant, pourroit mettre cet argent à intérêt. Ainsi celui qui possède une chose, qu'il a achetée, paie un intérêt pour l'usage qu'il en fait.
Cependant, il vaut toujours mieux payer comptant les objets qu'on achète, parce que celui qui vend à crédit, s'attendant à perdre cinq pour cent, par de mauvaises dettes, augmente d'autant le prix de ses marchandises.
—Celui qui achète à crédit, paie sa part de cette augmentation.—Celui qui paie argent comptant, y échappe ou peut au moins y échapper.
Quatre liards épargnés sont un sou que l'on gagne.
Une épingle par jour coûte cinq sous par an [A penny sav'd is two-pence clear ;
A pin a day's a groat a year.].
MOYENS POUR QUE CHACUN AIT BEAUCOUP D'ARGENT DANS SA POCHE.
À présent que tout le monde se plaint de la rareté de l'argent, c'est un acte de bienfaisance que d'apprendre à ceux qui n'ont pas le sou, comment ils peuvent faire cesser leur pénurie. Je veux leur dire quel est le vrai secret de gagner de l'argent, le moyen certain de remplir leur bourse et de la conserver toujours pleine. Pour cela, il suffit d'observer deux règles très-simples.
Premièrement, sois constamment probe et laborieux.
Secondement, dépense toujours un sou de moins que tu ne gagnes.
Alors, ton gousset se remplira et ne criera jamais qu'il a le ventre vide ; les créanciers ne te tracasseront point ; l'indigence ne t'accablera pas ; la faim ne pourra point te dévorer, ni le défaut de vêtemens te faire transir de froid. L'univers entier te paroîtra plus brillant ; et le plaisir dilatera tous les replis de ton cœur.
Suis donc les règles que je viens de te prescrire, et sois heureux. Bannis loin de toi la tristesse qui glace ton ame, et vis indépendant. Tu seras alors vraiment un homme. Tu ne détourneras point la vue à l'approche du riche, ni tu ne seras humilié d'avoir peu, quand les enfans de la fortune marcheront à ta droite ; car l'indépendance, soit qu'elle ait peu ou beaucoup, est toujours un bonheur, et te placera de niveau avec ceux qui s'enorgueillissent de posséder la toison d'or.
Oh ! sois donc sage ; et que l'assiduité au travail marche avec toi, dès le matin, et t'accompagne jusqu'à ce que tu ayes atteint le soir l'heure du repos. Que la probité soit comme le souffle de ton ame. N'oublie jamais d'avoir chaque jour un sou de plus que le montant de tes dépenses.
Alors tu parviendras au plus haut degré du bonheur, et l'indépendance sera ton bouclier, ton casque et ta couronne ; alors ton ame sera élevée, et ne s'abaissera pas devant le faquin vêtu de soie, ni ne souffrira point un outrage, parce que la main qui ose le faire, porte une bague de diamant.
PROJET ÉCONOMIQUE, ADRESSÉ AUX AUTEURS D'UN JOURNAL.
[En 1784, il parut une traduction de cette pièce dans un des journaux de Paris. Celle que nous donnons ici, est faite d'après l'original, auquel Franklin a fait, depuis, des corrections et des additions.]
Messieurs,
Vous nous faites souvent part de nouvelles découvertes. Permettez que je me serve de la voie de votre journal, pour en communiquer au public une que j'ai faite moi-même, et qui, je crois, peut être d'une grande utilité.
Je me trouvai, il y a peu de jours, dans une maison où il y avoit nombreuse compagnie, et où la nouvelle lampe de MM. Quinquet et Lange fut présentée et beaucoup admirée à cause de son éclat. La société demanda, en même-temps, si la quantité d'huile que cette lampe consumoit, n'étoit pas proportionnée à sa lumière, auquel cas il n'y auroit aucune économie à s'en servir. Aucun de ceux qui étoient présens ne put nous satisfaire sur ce point ; mais tous convinrent qu'il méritoit d'être connu, et qu'il étoit à désirer qu'on pût rendre moins cher le moyen
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