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Aux armes, citoyens !

Aux armes, citoyens !

Titel: Aux armes, citoyens ! Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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Saint-Domingue, Delorme, grosse figure, embonpoint
considérable, haï par les muscadins qui le qualifient de « monstre vomi
par la plage africaine », de débauché, entouré d’un « sérail ».
    Delorme a voulu ouvrir le feu sur la Convention, allumant la
mèche d’un canon, mais un sans-culotte s’est précipité pour éteindre la flamme.
    Le lendemain, à l’aube du 4 prairial an III (23 mai 1795), le
martèlement des sabots des chevaux sur les pavés, les voix des officiers
lançant des commandements, le grincement des roues des canons réveillent les
citoyens du faubourg Saint-Antoine. Ils découvrent ces masses compactes de
soldats qui cernent leur quartier.
    Les généraux Menou et Montchoisi caracolent, devant leurs
hommes. Les femmes du faubourg se rassemblent, marchent vers les soldats, les
interpellent, tentent de les convaincre de quitter les rangs, de les rejoindre
comme cela s’est toujours produit, depuis ces journées de juillet 1789, quand
les gardes françaises pointaient leurs canons sur la Bastille et se mêlaient
aux émeutiers. Et il en était allé ainsi à chacune des journées révolutionnaires.
    Et les femmes crient d’une voix aiguë comme on appelle au
secours.
    Mais les dragons les repoussent, obéissent aux ordres, et l’un
des soldats lance à ces femmes qui gesticulent :
    « Quand je suis de service je ne parle qu’avec mon
sabre. »
    C’est l’affolement, la fuite, le désespoir.
    On dresse des barricades. Au faîte de l’une d’elles se tient
le Noir Delorme, que les soldats invitent à se rendre. Il refuse.
    Le général Menou s’avance, l’interroge :
    « Es-tu républicain, citoyen ? »
    « Je le suis. »
    « Rends ton sabre aux armées de la République. »
    Delorme hésite, bégaie. Il s’y prend à plusieurs fois pour
dire :
    « As-tu du pain à me donner ? »
    Menou s’approche encore sans répondre, et Delorme tend son
sabre.
    Puis le faubourg tout entier capitule.
     
    À quelques pas de ces barricades que les citoyens entourés
de soldats démantèlent se dressait la Bastille.
    Les citoyens et les gardes françaises l’avaient conquise, ouvrant
la route à la Révolution.
    C’était il y a bientôt six ans.
    Mais en ce début de prairial an III, pour la première fois, les
soldats ont refusé de pactiser avec les insurgés.
    L’armée de la République a brisé une insurrection populaire,
la dernière émeute sans-culotte.

SIXIÈME PARTIE
    4 prairial an III -13 vendémiaire an IV
    23 mai 1795 – 5 octobre 1795
    « Cette Vendée s’étend partout
    et devient chaque jour plus effrayante »
     
    « Nous devons être
gouvernés par les meilleurs,
    c’est-à-dire par ceux qui
possèdent une propriété…
    « Un pays gouverné par
les propriétaires est dans l’ordre social,
    celui où les non-propriétaires
gouvernent
    est dans l’état de nature, c’est-à-dire
dans la barbarie. »
    Boissy d’A NGLAS
    5 messidor an III (23 juin
1795)
    « La garde nationale ne
sera plus composée que de gens sûrs
    ayant quelque chose à
perdre dans un bouleversement,
    au lieu que ceux qui en
formaient une partie
    jusqu’ici avaient tout à y
gagner. »
    Benjamin C ONSTANT
    10 prairial an III (29 mai
1795)

20.
    Cent vingt mille soldats qui le 4 prairial an III (23 mai
1795) ont encerclé puis occupé le faubourg Saint-Antoine campent plusieurs
jours durant dans le quartier.
    Les patrouilles parcourent les rues, entrent dans les locaux
des sections, les fouillent, jettent sur le pavé les piques, les sabres, les
fusils, surveillent les assemblées générales au cours desquelles les « honnêtes
citoyens » désignent ces « tyrans », ces « révoltés »,
ces sans-culottes qui les ont fait trembler depuis plus de deux ans, les ont
contraints au silence, les ont insultés, battus, chassés des sections et
souvent arrêtés, les ont « terrorisés ».
    Maintenant ce sont eux que, dès les 24 et 25 mai, on
entraîne, on enferme.
    Les soldats les houspillent, les poussent à coups de crosse,
les menacent de leurs baïonnettes, les forcent à se mettre en rang et les
dirigent vers les prisons.
    Ils sont ainsi près de dix mille sans-culottes à être
arrêtés.
     
    On recherche les gendarmes et les soldats qui le 1 er et le 2 prairial, quand l’insurrection paraissait près de l’emporter, ont
pactisé avec les insurgés.
    On les licencie, on les incarcère. Et on chasse de la garde
nationale les ouvriers, les artisans, les

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