Catherine des grands chemins
terre brune, qu'elle vint mettre dans les mains de Catherine en refermant sur lui, tendrement, les doigts de son amie.
— Tiens. Je l'avais préparé pour toi... pour la nuit de ton mariage.
Il est donc à toi.
Fais-en l'usage que tu voudras. Je sais que, de toute façon, ce sera pour le bien.
Saisie d'une brusque impulsion, Catherine prit la petite sorcière aux épaules et l'embrassa chaleureusement.
— Même s'il arrivait du mal à Fero, je resterai ta sœur, Tereina. Je voudrais t'emmener avec moi. Mais, pour le moment, je ne peux pas.
— Et je dois rester ici. Ils ont besoin de moi, tu sais ?
Au-dehors, cependant, le sergent d'armes s'impatientait. Il écarta de son poing ferré le feutre qui fermait le chariot et passa la tête.
— Dépêche-toi un peu, femme ! J'ai des ordres. Assez parlé.
Pour toute réponse, Catherine embrassa encore une fois Tereina et glissa le flacon dans son aumônière.
— Merci, Tereina, et prends soin de toi. Moi, je vais voir si je peux quelque chose pour Fero. Adieu !
D'un souple mouvement, elle se glissa hors du chariot et rejoignit les hommes d'armes.
— Rentrons. J'ai fini.
Ils l'encadrèrent de nouveau puis, traversant la tribu rassemblée et silencieuse, ils remontèrent le fossé pour rejoindre la rampe d'accès.
Au passage, Catherine reconnut Dunicha, la fille qui l'avait obligée au combat, et détourna la tête. Mais pas assez vite cependant pour n'avoir pas saisi au vol le regard brûlant de haine de la Tzigane. Dunicha devait la rendre responsable de la capture de Fero et, sans doute, à cette heure, la détestait cent fois plus que lors du combat... Catherine, d'ailleurs, ne lui en voulut pas de ce sentiment. Dunicha, puis qu’elle aimait Fero, avait toutes les raisons de haïr celle qui le lui avait pris et pour laquelle il allait mourir. Elle se promit cependant de veiller sur elle-même ; Dunicha n'était pas fille à laisser sa haine inactive et à ne pas chercher vengeance.
Un appel de trompettes, derrière elle, la fit se retourner. Le jour, maintenant, était bien clair... Sous les rayons du soleil, la Loire scintillait entre ses rives herbeuses comme un fleuve de feu, et, sur ce fond éblouissant, passant les ponts, se détachaient les couleurs éclatantes d'un important cortège. Des chevaliers en harnois de guerre contrastant vigoureusement avec un escadron de dames en robes claires montées sur de paisibles haquenées, entouraient une grande litière dont les rideaux de soie bleue frappés de lys d'or étaient relevés. À l'intérieur, une dame soigneusement emmitouflée de mousselines blanches, une nourrice portant un bébé, deux suivantes et trois petites filles échelonnées entre trois et huit ans. Une compagnie d'archers, des pages et des hérauts précédaient le lourd véhicule au-devant duquel un porte-étendard tenait une lourde bannière sur laquelle Catherine, le cœur battant soudain un peu plus fort, lut les armes de France accolées à celles d'Anjou. D'instinct, elle s'était arrêtée, mais le sergent, déjà, la bousculait pour l'obliger à monter sur le talus herbeux avec les archers.
— La Reine ! Place ! Et n'oublie pas de t'agenouiller, l'Egyptienne, quand notre bonne dame passera.
Catherine n'avait garde d'oublier la recommandation. Marie d'Anjou, reine de France, était une femme timide et effacée, mais elle avait une excellente mémoire et Catherine, durant de longs mois, avait été de ses dames d'honneur. Il était bien improbable qu'elle la reconnût sous son déguisement d'Égyptienne, mais là, dans cette robe de servante de bonne maison, avec ce béguin de toile qui dissimulait ses cheveux, il ne restait guère pour la cacher que la teinte un peu trop foncée du visage et l'arc noir des sourcils. Déjà, la nuit passée, tandis qu'elle se mettait au lit, la dame de La Trémoille avait considéré sa nouvelle servante d'un air songeur.
— C'est drôle, avait-elle dit. Il me semble que je t'ai déjà vue quelque part. Tu me rappelles quelqu'un... mais je ne saurais dire qui...
Catherine avait béni ce bienheureux trou de mémoire et s'était hâtée de répondre que, sans doute, la noble dame se souvenait d'une de ses sœurs, venue danser au château. Il ne fallait pas que la comtesse cherchât trop longtemps. Et, de fait, elle avait paru n'y plus penser. Ce serait une catastrophe si, maintenant, la Reine la reconnaissait.
Aussi, quand la cavalcade royale suivie des cris de joie des gens d'Amboise
Weitere Kostenlose Bücher