Catherine des grands chemins
autres ! Il ne doit rien arriver à cette femme, sauf si elle cherche à fuir.
Il tirait déjà son épée. Les Tziganes reculèrent, montrant les dents comme des chiens battus. Le cercle s'élargit autour des deux femmes et des soldats.
— J'ignore où est Fero, fit Catherine. Hier, je l'ai vu dans la cour du château, déguisé en paysan. Les gardes l'ont jeté dehors.
— Il y est retourné hier soir. Il savait qu'il y avait fête au château.
Il est monté avec l'un des ours, dans l'espoir de montrer ses tours pendant le festin royal. L'ours est revenu dans la nuit... seul... et blessé.
— Je te le jure, Tereina, j'ignorais que Fero était remonté au château. Quelle folie d'être revenu !
La jeune fille baissa la tête. Une grosse larme roula sur l'étoffe rouge qui la vêtait.
Il t'aime tellement. Il voulait te reprendre à tout prix. Et maintenant...
Je voudrais savoir ce qui lui est arrivé.
Les yeux en pleurs de la petite bohémienne attendrirent peut-être le cœur rude du sergent car il marmotta :
— L'homme à l'ours ? On l'a surpris en train d'escalader le donjon pour entrer par une fenêtre. Il s'est défendu comme un diable quand on l'a pris et sa bête est devenue folle. Il y a eu du grabuge. Et puis, l'ours s'est échappé...
— Et Fero ? Et mon frère ?
— On l'a jeté au cachot en attendant son jugement.
— Pourquoi le juger ? s'écria Catherine. On l'a pris essayant d'escalader le donjon, c'est entendu. Est-ce un crime si grand qu'il faille le cachot et un jugement ? Ne suffisait-il pas de le jeter dehors ?
Le visage de l'homme se ferma et ses yeux devinrent durs.
— Il était armé. Il a tué l'un des piquiers de garde. Il est juste qu'il soit jugé. Maintenant, la fille', fais ce que tu as à faire au plus vite et rentrons. Je n'aime pas m'attarder ici.
Catherine ne répliqua pas et entraîna Tereina qui avait éclaté en sanglots. La jeune fille avait compris, comme Catherine elle-même, quel sort attendait Fero. Le Tzigane avait tué, il serait pendu... sinon pire. Malgré elle, Catherine sentait des larmes brouiller ses yeux en faisant rentrer la petite bohémienne dans son chariot. Ce qu'elle avait à dire ne pouvait l'être devant tout le monde. Les soldats se contentèrent de leur emboîter le pas et de prendre la garde aux deux extrémités du véhicule.
Tereina pleurait toujours, à gros sanglots désespérés, et Catherine désolée cherchait les mots capables d'atténuer cette douleur. Malgré elle, la nouvelle de la mort prochaine de Fero lui faisait mal. Cet homme l'avait aimée jusqu'à la folie et, pour une nuit d'amour involontaire qu'elle lui avait donnée, avait tout risqué pour elle. Et maintenant, il allait mourir de cet amour insensé... Il fallait faire quelque chose. Si elle lui rap portait le philtre désiré, peut-être que la dame de La Trémoille ne lui refuserait pas la grâce du Tzigane. Mais il fallait faire vite.
Brusquement, elle saisit Tereina aux épaules, la secoua sans trop de douceur.
— Écoute-moi. Cesse de pleurer. Il faut que je remonte là-haut et que j'essaie de le sauver. Mais, avant, il faut que tu me donnes ce que je suis venue chercher.
Tereina essuya ses yeux et tenta un pauvre sourire.
— Tout ce que j'ai est à toi, ma sœur. Qu'es-tu venue chercher ?
— Il me faut ce philtre que tu m'as fait boire la nuit où... tu te souviens ? La nuit où Fero m'a appelée. Apprends-moi comment on le confectionne. Notre vie à tous dépend peut-être de cette drogue. Il m'en faut à tout prix et le plus vite possible. Peux-tu m'apprendre à la composer ?
La jeune fille la regarda avec étonnement.
— Je ne sais pas dans quel but tu me demandes cela, ; Tchalaï, mais, si tu dis que des vies humaines peuvent dépendre de ce breuvage, je ne te poserai pas d'autres questions. Sache seulement que ce philtre est long à composer, et que sa recette ne peut se communiquer. Pour le faire, il faut, outre la connaissance, quelque chose d'autre... une sorte de don ; sinon, il n'est pas pleinement efficace. Il y a les incantations qu'il faut dire et que...
— Alors, peux-tu m'en faire un peu ? coupa Catherine impatiemment. C'est très grave... très urgent !
— T'en faut-il beaucoup ? Veux-tu l'expérimenter sur plusieurs personnes ?
— Non. Sur une seule.
— Dans ce cas, j'ai ce qu'il te faut.
Tereina se glissa vers le fond de son chariot, fouilla dans une boîte cachée sous des oripeaux et en tira un petit flacon, rond, en
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