Catherine des grands chemins
passa auprès d'elle, se hâta-t-elle de s'agenouiller et de baisser la tête en grande humilité... d'autant plus qu'au même moment une troupe de seigneurs sortait du château pour accueillir la souveraine et qu'à la tête de cette troupe il y avait Gilles de Rais.
Heureusement il ne lui prêta aucune attention et, la litière entrée sous la voûte des remparts, Catherine crut pouvoir relever la tête ; ce fut pour voir les jambes d'un cheval arrêté devant elle tandis qu'une voix juvénile et sèche demandait :
— Qu'a fait cette femme, sergent ? Et pourquoi l'emmènes-tu ?
La hauteur du ton fit rougir Catherine qui, sans trop savoir pourquoi, se sentit coupable. Pourtant, le questionneur ne devait pas avoir beaucoup plus de dix ans. Maigre, le teint jaune, le cheveu noir et raide, ce jeune garçon était pourvu de larges épaules osseuses, d'un grand nez et d'une paire de petits yeux noirs étrangement vifs et perspicaces chez un être si jeune. 11 n'avait rien de séduisant, mais, à la manière de porter fièrement la tête, à la beauté du cheval qu'il maintenait fermement de ses mains nerveuses et, surtout, au costume mi-partie rouge, mi-partie noir et blanc, apanage des princes du sang, qu'il portait, Catherine comprit qu'elle avait en face d'elle le Dauphin Louis, fils aîné du Roi.
Cependant, le sergent, rouge d'orgueil, se hâtait de répondre :
— Je ne l'emmène pas, Monseigneur, je l'escorte seulement, d'ordre de Très Haute et Très Noble Dame de La Trémoille.
Bouche bée, Catherine vit le Dauphin hausser les épaules, se signer précipitamment puis cracher à terre sans cérémonie.
Quelque esclave maure, sans doute. Je hais cette engeance maudite, mais rien ne m'étonne de la Dame, Qui se ressemble...
Il n'acheva pas la phrase commencée, un autre cavalier s'était approché vivement et lui parlait à l'oreille, ' sans doute pour lui conseiller plus de modération dans ses propos. La vue de ce nouveau venu fit rougir Catherine jusqu'à la racine des cheveux et changea ses inquiétudes en panique. Malgré l'armure qui emprisonnait l'homme tout entier, elle avait reconnu les croix de Jérusalem brodées sur la cotte d'armes et, surtout, le beau visage blond sous la ventaille relevée du heaume. Pierre de Brézé ! L'homme qui, à Angers, s'était épris d'elle dès la première entrevue et au point de lui demander sa main. Il faisait partie du complot contre La Trémoille et ne démasquerait pas Catherine. Mais elle pouvait craindre un geste de surprise en la retrouvant aussi inopinément au bord du chemin.
Pourtant, à le revoir, elle éprouvait une joie soudaine, inexplicable et ne pouvait s'empêcher de le regarder avec admiration. Il était vraiment très beau, ce Pierre de Brézé, et de très noble allure sur son grand destrier gris. Le lourd vêtement de fer semblait ne rien peser à ses larges épaules, non plus que la longue lance de frêne qu'il appuyait à sa cuisse. La voix du jeune homme la tira de sa contemplation.
— Monseigneur, disait Brézé, nous nous attardons ; et la Reine vous attend.
Mais, tout en parlant, son regard bleu accrochait celui de Catherine en même temps qu'un léger sourire détendait les lèvres fermes du chevalier. Ce ne fut qu'un bref regard, l'espace d'un instant, mais dans lequel la jeune femme lut toute la passion qu'il lui vouait. Il n'était là que pour elle, bravant le déplaisir du Roi et la haine de La Trémoille en venant, avec l'escorte de la Reine, dans ce château où l'on ne le souhaitait pas. Non seulement il l'avait reconnue, mais il trouvait moyen de lui redire, sans un mot, sans un geste, son amour... Pourtant, si discret qu'eût été ce sourire, il n'avait pas échappé à l'œil aigu du prince Louis qui décocha au chevalier un regard moqueur.
— Hum ! Il semble, sire chevalier, que vous ayez le goût aussi dépravé que la dame de La Trémoille. Allons !
Sans plus s'occuper de Catherine, le Dauphin poussa son cheval et force fut à Brézé de le suivre. Il ne se retourna pas, mais le regard de Catherine suivit, jusqu'à ce qu'elle ait disparu sous la voûte, la fière silhouette du jeune homme. En se remettant en route, un instant plus tard, elle avait le cœur chaud d'une confiance et d'un courage nouveaux. N'avait-elle pas remarqué, attachée au bras de Brézé, une écharpe de soie noir et argent, les couleurs de deuil qu'elle lui avait dit être les siennes et qu'il portait, fidèlement ?
Il s'était déclaré
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