Catherine des grands chemins
j'allais vous sauter au cou ?
— Vous devriez ! Après tout, je vous ai évité une rude sottise. Si vous aviez succombé aux entreprises de ce damoiseau, vous le regretteriez maintenant de tout votre cœur.
— Qu'en savez-vous ?
— Allons donc ! Brézé n'est pas mort de mon coup d'épée, loin de là. Si vous aviez tenu vraiment à lui, vous l'auriez rejoint la nuit même dans sa chambre. Or, vous n'en avez rien fait.
— J'y suis allée le lendemain.
— Et vous en êtes sortie les yeux rouges avec la mine décidée de quelqu'un qui a pris une grave décision. Vous voyez que je suis bien renseigné.
— Quelque chose me dit que vos espions vous volent. Ils ne vous ont pas tout dit, fit Catherine du bout des lèvres.
Mais, subitement, Cadet Bernard était redevenu grave.
Si, Catherine ! Vous avez rompu et le souvenir de votre époux vous a reprise. Sinon, pourquoi partez- vous ? Pourquoi Brézé a-t-il franchi, voici une heure, le pont-levis de ce château à la tête de ses lances ? Il s'en va aider Loré dont les Anglais ont attaqué la forteresse de Saint-Ceneri.
— Ah ! fit la jeune femme d'une toute petite voix, il est parti ?
— Oui. Il est parti. Parce que vous l'avez repoussé ! Je ne me suis pas trompé sur vous, Catherine, vous êtes bien telle qu'il vous avait choisie, le grand Montsalvy. C'est l'autre nuit que je me leurrais.
Voulez-vous que nous fassions la paix ? J'ai grand désir de redevenir votre ami.
Sa contrition, ses regrets étaient authentiques. Et Catherine ne savait pas garder rancune à qui reconnaissait ses fautes loyalement ; elle sourit brusquement, tendit ses deux mains au jeune homme.
— Je me trompais aussi. Oublions tout cela, Bernard... et venez à Montsalvy, quand vous retournerez à Lectoure. Vous y serez toujours le bienvenu. Plus tard, je vous confierai Michel quand il sera temps pour lui d'être page. Je crois que vous saurez en faire ce qu'Arnaud aurait voulu qu'il fût. Maintenant, dites-moi au revoir.
— Comptez sur moi ! Au revoir, belle Catherine.
Avant qu'elle ait pu s'en rendre compte, il l'empoignait par les épaules et lui planta sur les deux joues deux baisers retentissants, puis la lâchait.
— Je vais dire à Xaintrailles et à La Hire quel vaillant compagnon vous faites. Je voulais vous donner une escorte pour vous ramener chez vous. Mais il paraît que le Roi y a pourvu.
— Grand merci à lui, fit Catherine en riant. Et j'aime autant quelque chose de plus paisible que vos diables de Gascons. Pour les tenir il faut un chef et je ne suis pas Arnaud de Montsalvy, moi !
Cadet Bernard, qui déjà s'éloignait, s'arrêta, se retourna et, un instant, considéra Catherine. Puis, gravement :
— Je crois que si, dit-il.
L'aurore embrasait les toits de Chinon et l'eau calme de la Vienne quand, au matin suivant, Catherine franchit la herse de la tour de l'Horloge. Toutes les cloches de la ville .sonnaient l'Angélus et leur son montait dans l'air pur jusqu'au petit groupe de cavaliers qui sortait du château. L'escorte que le Roi avait mise à la disposition de Catherine était composée de Bretons, ainsi que l'attestaient les tabards mouchetés de queues d'hermine des soldats. C'était Tristan l'Hermite qui les commandait et quand, la veille, il était venu dire à Catherine qu'il l'accompagnerait jusqu'à Montsalvy avant de rejoindre le connétable de Richemont à Parthenay, elle en avait éprouvé une grande joie. Le Roi ne pouvait mieux choisir, pour la garder, que ce Flamand taciturne dont elle avait appris à apprécier la valeur. Il avait pour lui le sang-froid, l'astuce, le courage tranquille et le sens du gouvernement. Elle le lui avait dit.
— Vous irez loin, ami Tristan. Vous avez toutes les qualités d'un homme d'État.
Il s'était alors mis à rire.
— On me l'a déjà dit... et pas plus tard qu'hier. Savez-vous, dame Catherine, que notre Dauphin de dix ans veut bien s'intéresser à ma personne ? Il m'a promis de faire ma fortune lorsqu'il sera roi.
Apparemment, nos exploits contre La Trémoille l'ont impressionné.
Bien entendu, je n'accorderai pas trop de crédit à ce genre de promesses. Les princes, surtout si jeunes, n'ont guère de mémoire...
Mais Catherine avait secoué la tête. Elle se souvenait du regard investigateur, aigu jusqu'à en être insoutenable, du dauphin Louis. Un regard qui ne devait pas savoir oublier.
— Je crois, moi, qu'il se souviendra, dit-elle seulement.
Tristan, lui, s'était contenté de
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