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Catherine des grands chemins

Catherine des grands chemins

Titel: Catherine des grands chemins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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répéta-t-elle d'une voix blanche. C'est comme...
    un pressentiment.
    Jamais elle n'avait éprouvé quelque chose de semblable : cette crainte étouffante de ce qui l'attendait derrière ces murs muets. Elle essaya de se raisonner. Là- bas, il y avait Michel, Sara, Gauthier sans doute. Mais même l'image de son petit garçon ne parvint pas à desserrer sa gorge. Elle tourna vers Tristan un regard noyé.
    — Allons, dit-elle enfin. Les hommes sont las.
    — Et vous aussi, grogna le Flamand. En avant, vous autres !
    Les portes de la cité étaient fermées, à cette heure tardive, mais Tristan, embouchant un cor qui pendait à sa ceinture, en tira trois appels prolongés. Au bout d'un instant, un homme portant une lanterne se pencha au créneau.
    — Qui va là ?
    — Ouvrez, cria Tristan. C'est la noble dame Catherine de Montsalvy qui s'en revient de la cour. Ouvrez ! De par le Roi !
    Le guetteur poussa un cri inarticulé. La lumière disparut, mais, quelques instants plus tard, la lourde porte de la petite cité fortifiée s'ouvrait en grinçant. L'homme à la lanterne reparut, son bonnet à la main, et s'avança jusque sous la tête des chevaux, levant son luminaire.

    C'est bien notre dame, fit-il joyeusement. Que Dieu la bénisse d'arriver si à propos ! On est allé quérir le bailli pour la recevoir dignement.
    En effet, dans l'unique et étroite rue, une silhouette accourait en cahotant. Catherine, subitement allégée, reconnut le vieux Saturnin. II arrivait de toute la vitesse de ses vieilles jambes en criant :
    — Dame Catherine ! C'est dame Catherine qui nous revient ! Dieu soit loué ! Bienvenue à notre maîtresse !
    Il en perdait le souffle. Émue et un peu amusée, Catherine voulut descendre pour le recevoir, mais il se jeta littéralement contre le cheval.
    — Restez en selle, notre dame. Le vieux Saturnin veut vous conduire vers l'abbaye comme naguère il vous avait conduite à sa métairie.
    — Je suis si heureuse de vous revoir, Saturnin... et de revoir Montsalvy.
    — Pas tant que Montsalvy de vous revoir, gracieuse dame.
    Regardez !
    En effet, comme par miracle, toutes les fenêtres, toutes les portes s'ouvraient, laissant jaillir des têtes qui criaient, des bras armés de torches. En un instant, la ruelle fut illuminée tandis qu'un concert de voix joyeuses clamaient :
    — Noël ! Noël pour notre dame qui nous revient !
    — Je vous envie, marmotta Tristan. Un accueil pareil doit réconforter singulièrement.
    — C'est vrai. Je ne m'y attendais pas, mais, ami Tristan, j'en suis tellement heureuse... si heureuse !
    Elle avait les larmes aux yeux. Saturnin, raide d'orgueil, avait pris la bride de son cheval et la menait lentement le long de la rue. Elle défila entre deux rangées de visages dont la lumière des torches accusait la rougeur joyeuse. On ne voyait partout que des yeux brillants, des bouches ouvertes sur des hurlements de joie.
    — Que craigniez-vous donc ? chuchota Tristan. Tout le monde vous adore ici.
    — Peut-être. Et je ne sais toujours pas ce que je craignais. C'est merveilleux ! C'est...
    Les mots moururent sur ses lèvres. On arrivait en vue du portail de l'abbaye, large ouvert lui aussi. Mais au seuil se tenait la gigantesque silhouette de Gauthier. Catherine s'attendait à le voir courir vers elle, comme l'avait fait Saturnin. Il ne bougea pas. Bien plus, il croisa les bras, comme pour interdire le passage. Son visage avait l'immobilité du granit. Aucun sourire ne l'éclairait. Et, en croisant le regard glacial de ses yeux gris, Catherine ne put s'empêcher de frissonner.
    Aidée par Saturnin, elle descendit de cheval, s'avança vers le Normand. Il la regardait approcher sans faire un geste, sans faire un pas vers elle. Elle tenta de sourire.
    — Gauthier ! s'écria-t-elle. Quelle joie de te retrouver !
    Mais aucune parole de bienvenue ne sortit de cette bouche serrée.
    Rien qu'un sec :
    — Est-ce que vous êtes seule ?
    — Comment ? fit-elle abasourdie.
    — J'ai demandé si vous étiez seule ? répéta le Normand sans s'émouvoir. Il n'est pas avec vous, ce beau dameret blond que vous devez épouser ? Sans doute est-il demeuré un peu en arrière pour vous laisser faire seule votre entrée.
    Catherine rougit brusquement, autant de mortification que de colère. L'insolence de Gauthier la confondait. Il osait l'attaquer brutalement, devant tous, lui demander des comptes... Si elle ne voulait pas perdre la face aux yeux de ses paysans, il lui fallait

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