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Catherine des grands chemins

Catherine des grands chemins

Titel: Catherine des grands chemins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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lorsque l'eau vint lécher ses pieds nus.
    La Loire était grise et se confondait avec le ciel, mais des traces presque imperceptibles de lumière dorée frisaient déjà, de loin en loin, à la surface. L'eau bouillonnait, grosse de la grande pluie nocturne, gonflée d'une vigueur nouvelle. Catherine eut soudain envie de s'y plonger. Le fleuve-roi avait toujours été son ami et, dans cette aube triste, elle revenait tout naturellement vers lui pour lui demander d'apaiser son cœur malade.
    Avec des gestes d'automate, elle laissa glisser ses vêtements et s'avança dans le courant. Il était fort et elle avait du mal à marcher sur le fond où roulaient des pierres. L'eau était fraîche et, quand elle atteignit son ventre, Catherine frissonna. Elle eut la chair de poule, mais continua d'avancer. Bientôt, elle en eut jusqu'aux épaules et ferma les yeux. Le courant massait son corps. Seuls, ses pieds crispés dans la vase la retenaient encore au sol. Il y eut tout à coup en elle un grand silence intérieur. Est-ce qu'il ne serait pas mieux que tout s'arrêtât là ? Qu'elle en finisse une bonne fois avec sa vie sans espoir ?
    Tant qu'elle avait pu se garder pure, le combat était encore facile et la victoire pouvait avoir des charmes. Mais, maintenant ? Elle s'était donnée à un inconnu comme une simple fille et c'était comme si elle avait creusé, entre elle et le souvenir de son époux, un immense, un infranchissable fossé. Si Dieu voulait qu'elle le revît encore, ne fût-ce qu'une fois, oserait-elle seulement le regarder en face sans mourir de honte ? Un lourd sanglot gonfla sa gorge et deux larmes glissèrent sous ses paupières closes.
    — Arnaud, murmura-t-elle, pourrais-tu me pardonner si tu savais...
    si tu savais ?
    Non, il ne le pourrait pas. Elle en était sûre. Elle connaissait trop sa jalousie ardente, sa passion exclusive pour avoir le moindre doute. Lui qui s'était laissé torturer pour ne pas lui être infidèle, comment pourrait-il comprendre, admettre, pardonner ?... Dès lors, à quoi bon lutter encore ? Même son petit Michel n'avait pas tellement besoin d'elle. Il avait l'amour de sa grand- mère et saurait bien, une fois devenu un homme, faire resurgir Montsalvy. Et pour Catherine, ce serait si bon de s'abandonner enfin à ce grand fleuve impérieux, de se fondre en lui pour toujours. Si bon... et si facile. Il suffisait de laisser glisser ses pieds qui... Oh oui, c'était facile... c'était...
    Déjà les jambes de Catherine fléchissaient. Le courant allait emporter rapidement sa forme légère jusqu'au seuil mystérieux et noir derrière lequel il n'y a plus que l'oubli et la mort. Mais, sur la rive, une voix chargée d'angoisse appelait:
    — Catherine? Catherine? Où es-tu... Catherine?
    C'était, la voix de Sara, étouffée de terreur. Elle surgissait du brouillard, appel déchirant de cette vie que Catherine voulait abandonner, chargée de tant de souvenirs qu'instinctivement la jeune femme s'agrippa des orteils au.fond. L'espace d'un instant, elle eut la rapide vision de sa vieille Sara, agenouillée sur le sable mouillé, enveloppant d'un linceul le corps que le fleuve venait de lui rendre.
    Elle crut l'entendre pleurer... et, brusquement, l'instinct de conservation la reprit. Elle retrouva, pour lutter contre le courant qui l'emportait, cette énergie qu'elle croyait perdue et, moitié nageant, moitié marchant, elle revint vers la berge. Peu à peu, à mesure qu'elle avançait vers la vie, elle distingua la silhouette de Sara qui se tenait au bord de l'eau, appelant toujours.
    Pâle d'inquiétude, étroitement enveloppée dans sa couverture grise, la bohémienne serrait contre elle les vêtements de Catherine et de lourdes larmes roulaient sur ses joues. Quand la forme ruisselante de la jeune femme se dégagea de la brume, elle poussa un cri rauque et, la voyant chanceler, s'élança vers elle pour la soutenir, mais Catherine, d'un écart, évita ses mains.
    — Ne me touche pas, dit-elle avec lassitude... Tu ne sais pas à quel point j'ai horreur de moi-même. Je suis sale... je me dégoûte !
    Le large visage de Sara se chargea de compassion. Malgré les efforts de Catherine, ses bras se refermèrent sur les épaules frissonnantes et, après l'avoir essuyée vigoureusement avec sa propre couverture, elle la fit rhabiller et l'entraîna vers le campement.
    — Et tu voulais mourir pour cela, pauvrette ? Parce qu'un homme a possédé, cette nuit, ton corps ? Te voilà toute

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