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Catherine des grands chemins

Catherine des grands chemins

Titel: Catherine des grands chemins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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    Paradoxalement, si l'on considère ses craintes, ce fut le sentiment de sa mission qui retint Catherine. Pour le moment, elle n'était pas en danger de mort et elle devait tenter l'aventure jusqu'au bout. Mais cela ne l'empêchait nullement de chercher désespérément un moyen d'échapper à ce révoltant mariage. Les femmes avaient habillé Catherine des oripeaux les plus voyants que l'on avait pu trouver dans la tribu. Une pièce de soie verte, un peu déchirée mais frangée d'argent, s'enroulait plusieurs fois autour de son corps que, pour cette circonstance, on avait débarrassé de la rude chemise. À ses oreilles on avait fixé des anneaux d'argent tandis que des colliers faits de lourdes plaques ciselées, de même métal, et d'autres composés de menues piécettes enfilées pesaient sur ses épaules dont l'une demeurait nue.
    D'autres chaînes de pièces lui formaient une sorte de couronne et les yeux des femmes lui avaient dit combien, dans cet accoutrement sauvage, elle était belle.
    L'assurance de sa beauté, Catherine la lut encore sur le visage radieux de Fero, dans l'orgueil de son regard quand il vint à sa rencontre et lui prit la main pour la mener devant la phuri dai. C'était la plus vieille femme de la tribu et, parce qu'elle était la plus sage et la gardienne des antiques traditions, elle avait un pouvoir presque égal à celui du chef. Jamais Catherine n'avait vu une femme ressembler autant à une chouette, mais les petits yeux ronds de la phuri dai étaient verts comme l'herbe au printemps. Des tatouages noirs marquaient ses joues vides et se perdaient sous les longues mèches grises que laissait échapper un chiffon rouge drapé à la manière d'un turban. Catherine la regarda avec horreur parce que cette femme incarnait pour elle le mariage où le destin la contraignait.
    La vieille se tenait debout au milieu des anciens de la tribu, éclairée par les flammes qui accentuaient les ombres de sa figure. Les peaux d'âne et les archets faisaient rage, doublant le cercle de feu d'une zone sonore où se mêlaient les cris des femmes et le chant des hommes.
    Cela faisait un vacarme assourdissant. Quand le couple s'arrêta devant elle, la phuri dai sortit de ses loques deux mains fragiles comme des pattes d'oiseau et saisit un morceau de pain noir que lui tendait un grand tzigane barbu. Le silence se fit soudain et Catherine comprit que l'instant décisif était arrivé. Elle dut serrer les dents pour ne pas crier, pour ne pas hurler de panique. Est-ce que vraiment rien ne viendrait empêcher cette sinistre farce?
    Les mains parcheminées rompirent le pain en deux morceaux. Puis la vieille prit un peu de sel, qu'on lui tendit dans une petite coupe d'argent car c'était une denrée rare et extrêmement précieuse. Elle en répandit un peu sur chacun des morceaux de pain, en tendit un à Catherine, l'autre à Fero.
    — Lorsque vous serez las de ce pain et de ce sel, dit-elle, vous serez las l'un de l'autre. Maintenant, échangez vos morceaux de pain.
    Impressionnée, malgré elle, par le ton solennel de la vieille, Catherine prit machinalement le pain que lui tendait Fero et lui offrit le sien. Tous deux mordirent ensemble dans la croûte dure. Les yeux du chef ne quittaient pas ceux de la jeune femme et elle dut fermer les siens un instant, incapable de soutenir la passion brutale, primitive, qu'ils révélaient... Tout à l'heure, elle allait encore lui appartenir, mais, cette fois, sans en avoir la moindre envie. Non seulement elle ne désirait pas Fero, mais son corps se révoltait à l'avance de ce qui allait suivre.
    — La cruche, maintenant, dit la vieille.
    On lui passa une cruche en terre qu'à l'aide d'une pierre elle brisa au-dessus de la tête des deux jeunes gens. Quelques grains de blé s'en échappèrent. Et, aussitôt, la vieille s'accroupit comptant les débris.
    — Il y a sept morceaux, dit-elle en levant les yeux vers Catherine.
    Pour sept années, Tchalaï, tu appartiens à Fero !

    Avec un cri de triomphe, le chef tzigane prit Catherine par les épaules et l'attira pour l'embrasser. Etourdie, elle se laissa aller contre lui tandis qu'éclataient les hurlements de joie de la tribu. Mais les lèvres de Fero ne touchèrent pas celles de la jeune femme. Jaillie de l'ombre, une fille aux cheveux de nuit avait bondi entre eux et, d'une secousse brutale, avait arraché Catherine des bras qui la tenaient.
    — Un instant, Fero ! Je suis encore là, moi, et tu m'avais juré que

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