Catherine des grands chemins
soupira.
— C'est bien, j'obéirai... Je crois bien qu'en effet je n'ai pas le choix.
— Tu voleras le diamant et tu me le donneras ?
— Oui..., dit-elle avec lassitude. Je vous le donnerai en espérant qu'il vous portera malheur à vous comme aux autres ; au surplus je n'ai vraiment pas envie de garder une...
La gifle que lui assena Gilles lui coupa la parole sur un cri de douleur. Elle avait été si violente qu'elle avait cru sa tête emportée.
— Je n'ai que faire de tes malédictions, coquine. Tu n'as qu'à obéir si tu ne veux pas qu'il t'en cuise. À obéir, tu entends, avec humilité !
La douleur avait fait perler des larmes aux cils de Catherine. Elle les ravala courageusement, mais sa tête sonnait encore comme une cloche. Elle regarda haineusement l'homme qui, maintenant, se dressait devant elle et ordonnait :
— Aide-moi à me dévêtir !
Il s'était assis et tendait un pied botté pour qu'elle le déchaussât.
Elle hésita un instant, mais elle le connaissait trop pour résister. À
quoi bon ? Pour risquer un coup de dague dans un accès de fureur ?
Apparemment, il marquait sa volonté de l'humilier... Avec un soupir elle s'agenouilla.
Tandis que Catherine lui enlevait les différentes pièces de son costume, Gilles avait saisi sur la table un hanap de vin et buvait, à longues gorgées avides. Quand il fut vide, il le jeta et en prit un autre qu'il se mit à ingurgiter avec autant d'ardeur. Un troisième suivit.
Catherine, horrifiée, voyait son visage gonfler et s'empourprer, ses yeux s'injecter comme si le vin épais coulait directement sous sa peau.
Quand il n'eut plus rien sur le corps, il saisit sur un siège une longue robe de velours noir, l'enfila, serra la cordelière autour de ses reins et jeta à la jeune femme un coup d'œil mauvais tout en s'approchant d'un dressoir qui supportait des flacons.
— Maintenant, déshabille-toi, ordonna-t-il.
Une lente rougeur monta aux joues de Catherine qui serra les poings.
Un éclair de colère brilla dans ses yeux tandis que sa bouche se pinçait sur un pli d'obstination.
— Non !
Elle s'attendait à une explosion de fureur. Il n'en fut rien. Gilles poussa un soupir et, se dirigeant d'un pas nonchalant vers le fond de la pièce, il prit, sur un meuble, un long fouet de chasse.
— C'est bien, dit-il seulement. Je vais le faire moi- même... avec ceci.
Et, joignant le geste à la parole, il frappa. La longue mèche souple siffla et s'enroulant, avec une habileté diabolique, autour d'une manche flottante l'arracha d'un coup sec, non sans brûler au passage le bras de Catherine qui retint à grand-peine un gémissement. Elle comprit qu'elle était vaincue, qu'il lui fallait obéir sous peine d'être assommée à coups de fouet par cette brute.
— Arrêtez, dit-elle d'une voix morne. J'obéis !
L'instant suivant, la dalmatique soyeuse et la fine chemise tombaient à ses pieds...
Lorsque revint le jour, Catherine n'avait plus de larmes. Recrue d'horreur et de souffrance, elle était parvenue aux limites de l'épuisement. De cette nuit aux mains du sire de Rais, elle devait garder un terrible, un ineffaçable souvenir...
L'homme était fou, il n'y avait pas d'autre explication. C'était un maniaque du sang et du vice et, durant des heures, la malheureuse avait dû subir les odieuses fantaisies que dictaient à Gilles son esprit détraqué et sa virilité déclinante. Son corps meurtri, griffé, malmené, lui interdisait le sommeil et le sang coulait encore de son épaule dans laquelle le forcené avait mordu à pleines dents.
Durant toute cette nuit de cauchemar, il n'avait cessé de boire, de boire jusqu'au délire, et Catherine, plus d'une fois, avait cru sa dernière heure venue, mais Gilles s'était contenté de la rouer de coups sans presque cesser de l'injurier bassement.
En constatant la quantité de vin absorbée par son bourreau, Catherine avait espéré qu'il finirait par s'endormir, mais, quand l'aurore parut et que les guetteurs cornèrent l'ouverture des portes de la ville, Gilles n'avait pas encore fermé les yeux. Il avait seulement rejeté les couvertures et s'était levé, étirant dans la fraîcheur du matin son corps nu. Il avait revêtu ses habits, et sans même un regard à la jeune femme, inerte sur le lit dévasté, il était sorti pour aller chasser comme chaque matin. Du fond des courtines où elle essayait de trouver une position meilleure, Catherine avait entendu les appels de trompe ; les
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