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Catherine et le temps d'aimer

Catherine et le temps d'aimer

Titel: Catherine et le temps d'aimer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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née en rendait pénible l'épaisse laine presque brute et, de plus, ils étaient raides de crasse.
    Après la fraîcheur printanière de l'eau, leur odeur de sueur lui parut intolérable. Dans son bagage, elle prit une robe de fine laine grise, une chemise propre et des bas sans trous qu'elle alla revêtir un peu plus loin.
    Lorsqu'elle revint, un moment plus tard, Sèche et recoiffée, elle constata que Josse n'avait pas bougé d'une ligne. Elle ne put s'empêcher de lui lancer, malicieusement :
    — Eh bien, Josse ! L'eau fraîche ne vous tentait pas après tant d'efforts et tant de poussière ?
    — Je n'aime pas l'eau ! fit Josse d'un ton si morne que la jeune femme éclata de rire.
    — Pour la boire, je veux bien. Mais c'est bien bon de se laver.
    Pourquoi n'êtes-vous pas venu me rejoindre ?
    Elle avait posé la question en toute innocence et sa surprise fut grande en voyant Josse devenir écarlate. Il se racla la gorge pour s'éclaircir la voix, mais celle-ci demeurait tout de même curieusement enrouée quand il déclara :

    — Grand merci, dame Catherine... mais cette eau ne me disait rien
    ! — Et pourquoi donc ?
    — Parce que...
    Il hésita un instant puis, prenant une profonde respiration comme quelqu'un qui prend son parti :
    — Parce que je la crois dangereuse !
    — Dangereuse ? Et vous m'avez laissée m'y baigner ? persifla Catherine qui jouissait profondément de l'embarras du garçon.
    — Elle ne l'était pas pour vous !
    — Je comprends de moins en moins !
    Josse, visiblement au supplice, avait l'air aussi mal à l'aise sur son siège que si celui-ci eût été composé de barres rougies au feu. Il s'obstinait à regarder devant lui, mais, tout à coup, il tourna la tête, croisa le regard amusé de Catherine et déclara avec beaucoup de dignité :
    — Dame Catherine, j'ai toujours été un homme raisonnable, c'est ce qui m'a permis de vivre jusqu'ici et me permettra encore, du moins je l'espère, d'atteindre un âge avancé. J'ai longtemps traîné mes semelles usées et mon ventre creux sur les pavés de Paris. Là-bas, même et surtout lorsque je mourais de faim, j'évitais l'approche des rôtisseries, où se doraient au feu, en répandant une si bonne odeur, tant de beaux chapons dodus auxquels je ne pouvais prétendre. Je ne sais si je me fais bien comprendre ?
    — C'est tout à fait clair ! fit Catherine en regrimpant sur son siège auprès de lui.
    Elle avait cessé de sourire et, dans le regard qu'elle adressa à son compagnon, il y avait quelque chose qui ressemblait à du respect et à de l'amitié. Puis elle ajouta, d'un ton parfaitement neutre :
    — Je vous demande pardon, Josse. J'ai eu, d'un seul coup, envie de vous taquiner !
    — De me taquiner ou de me mettre à l'épreuve ?
    — Les deux peut-être, admit Catherine avec franchise. Mais vous avez brillamment passé votre examen. Partons-nous, maintenant ?
    Et le voyage s'était poursuivi sans autre escarmouche. Dans sa paille, Gauthier était toujours à peu près inconscient. De temps à autre, il tombait dans l'une de ces crises terribles qui effrayaient tant Catherine. Dans l'intervalle, il ne sortait pas d'un état comateux fort inquiétant car, maintenant, il n'avait même plus assez de conscience pour s'alimenter. Il fallait le nourrir comme un enfant. Au soir de la dernière étape, Catherine avait interrogé Josse avec des larmes dans les yeux.
    — Si ce voyage dure encore longtemps, nous ne l'amènerons pas vivant au médecin maure !
    — Demain, au coucher du soleil, promit alors Josse, nous devrions apercevoir les tours de Coca.
    Et, en effet, le lendemain, alors que le soleil s'inclinait vers l'horizon dans une gloire d'or et de pourpre, Catherine découvrit le fabuleux château de l'archevêque de Séville. Elle en eut, un instant, le souffle coupé : surgie de la terre rouge, comme jaillie de ses entrailles mêmes, une forteresse de pierres aux reflets sanglants qui était, en même temps, un palais des Mille et Une Nuits, lui était apparue.
    Fantastique joyau de l'art mudéjar, bâti dans les premières années du siècle par le cerveau nostalgique d'un architecte maure prisonnier, Coca découpait sur le ciel d'outremer pâle la forêt de ses tourelles en tuyaux d'orgue flanquant d'épaisses tours de brique, ses hauts créneaux sarrasins qui festonnaient sa double enceinte et allégeaient, d'une grâce inattendue, son massif donjon carré. C'était le palais d'un émir plus que la demeure d'un évêque

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