Catherine et le temps d'aimer
Kabbale. Mais tout ceci n'a pour vous que peu d'intérêt. Je vous laisse, dame Catherine, et vais me reposer. En vérité, je me sens exténué.
La contemplation de ses trésors avait du accroître la nervosité habituelle de don Alonso car, tandis qu'il s'éloignait, Catherine nota que ses tics étaient plus prononcés que jamais.
Les dernières paroles du prélat résonnaient encore dans sa tête. Elle passa sur son front moite une main tremblante... Sept ou huit ans !... Il y en avait dix que Garin avait été pendu. Avait-il alors, au prix d'un miracle, pu gagner ce couvent navarrais d'où il avait été chassé pour sorcellerie ? Ou bien n'y avait-il jamais eu de couvent navarrais ?
D'ailleurs, cette accusation de sorcellerie la gênait. Garin adorait les pierres précieuses et, en cela, il rejoignait le moine mystérieux.
Pourtant, jamais Catherine ne l'avait vu s'occuper d'alchimie. Il était curieux de toutes choses, certes, mais il n'y avait pas le moindre laboratoire dans la maison de la rue de la Parcheminerie, pas plus qu'à Brazey. Devait-on en conclure qu'il s'était caché pour se livrer à ces recherches ésotériques ?... ou bien que le goût lui en était venu après l'effondrement de sa fortune ? Trouver la fabuleuse Pierre philosophale, quelle tentation pour un homme dépouillé de toutes choses !
Brusquement, Catherine s'arracha à sa rêverie. Sans vouloir réfléchir davantage, elle se dirigea vers le donjon, feignant de ne pas voir Tomas, soudainement apparu dans la cour. Continuellement, depuis son arrivée, elle rencontrait le sombre page. Il apparaissait sur son chemin, qu'elle se rendît à la chapelle, au donjon ou dans toute autre partie du château sans qu'elle pût jamais prévoir son approche. Il ne lui adressait pas la parole, se contentant de la regarder avec des yeux où se mêlaient la colère et la convoitise, mais de loin, sans approcher. Catherine, que cette longue figure mettait mal à l'aise, avait pris le parti de ne jamais paraître s'apercevoir de sa présence.
Elle fit de même ce soir-là, monta d'une traite jusqu'à la chambre de Gauthier.
Le Normand se remettait rapidement de l'opération que lui avait fait subir Hamza. Sa constitution exceptionnelle, jointe à la minutieuse propreté dont l'entourait son médecin et à l'excellente nourriture dispensée au château, lui avait fait surmonter tous les dangers qui rendaient le plus souvent mortelle ce genre d'intervention.
Malheureusement, le géant semblait avoir perdu la mémoire.
Certes, il avait retrouvé la clairvoyance, une pleine connaissance de ce qui l'entourait, une entière conscience ; mais, de tout ce qui s'était passé avant la minute où il avait ouvert les yeux dans la chambre du donjon, il n'avait gardé aucun souvenir. Pas même de son propre nom et, de cet état de chose, Catherine se désespérait. Lorsque le médecin maure lui avait appris que Gauthier avait repris conscience, elle s'était précipitée auprès de lui, mais, quand elle s'était penchée sur le lit, elle avait éprouvé une peine cruelle. Le géant l'avait regardée, avec des yeux pleins d'admiration, comme si elle avait été une apparition, mais rien n'avait indiqué qu'il la reconnût. Elle lui avait parlé, alors, se nommant, répétant qu'elle était Catherine, qu'il ne pouvait pas ne pas la reconnaître... mais Gauthier avait hoché la tête.
— Pardonnez-moi, dame, avait-il murmuré. Certes, vous êtes belle comme la lumière... mais je ne sais pas qui vous êtes, je ne sais même pas qui je suis, avait-il ajouté tristement.
— Tu te nommes Gauthier Malencontre. Tu es à la fois mon serviteur et mon ami... As-tu donc tout oublié de jadis, de toutes nos peines, de Montsalvy... de Michel ? de Sara... et de messire Arnaud ?
Un sanglot avait étranglé sa voix au nom de son époux, mais, dans le regard morne du géant, aucune lueur ne s'était allumée. De nouveau, il avait secoué la tête.
— Non... je ne me souviens de rien !
Elle s'était alors retournée vers Hamza qui, silencieux, les bras croisés sous sa robe blanche, observait la scène d'un coin de la pièce.
Son regard douloureux avait imploré tandis qu'elle murmurait :
— Est-ce... qu'il n'y a rien à faire ?
Il l'avait appelée près de lui d'un signe discret, entraînée au-dehors.
— Non. Je ne peux plus rien faire. Seule, la nature a le pouvoir de lui rendre le souvenir.
— Mais comment ?
— Un choc moral peut-être ! J'avoue que je
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