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Catherine et le temps d'aimer

Catherine et le temps d'aimer

Titel: Catherine et le temps d'aimer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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décomposé par les larmes et, dans les yeux gris, il y avait à la fois de l'incrédulité et du désespoir. Il la regardait comme si elle n'avait pas été tout à fait réelle.
    — Mon Dieu ! balbutia-t-elle, prête à pleurer à son tour, mais tu me fais peur !
    — Ainsi, murmura-t-il lentement, ce n'était pas un rêve ! C'est bien vous... je n'ai pas rêvé !
    — Quoi ?
    — Cette nuit... cette nuit inimaginable ! Je n'ai pas été victime de mon délire ! Il s'est passé tant de choses étranges dans ma tête, depuis si longtemps... tant de choses vagues ! J'ai fini par ne plus savoir ce qui était réel ou ce qui était songe-creux.
    Catherine poussa un imperceptible soupir de soulagement. Elle avait craint que le mal ne fût revenu. Calmement, doucement, elle dit, avec beaucoup de gentillesse :
    — Non. Cette nuit, tu es vraiment redevenu toi- même. Et... tu es aussi devenu mon amant, ajouta-t-elle nettement.
    Il la saisit aux épaules, scrutant avidement le joli visage qui le contemplait.
    — Pourquoi ? Mais pourquoi, tout à coup, êtes-vous venue dans mes bras ? Que s'est-il passé ? Comment en sommes-nous arrivés là ?
    Je vous avais laissée à Montsalvy et je vous retrouve... mais, au fait, où sommes- nous ?
    — À Coca, en Castille. Chez l'archevêque de Séville, don Alonso de Fonseca.
    Il répéta, comme dans un songe :
    — A Coca... en Castille ! Comment y sommes-nous arrivés ? Je m'y perds !
    — De quoi te souviens-tu au juste ?

    Mes derniers souvenirs sont ceux d'une bataille. Les bandits de la forêt d'Oca qui me tenaient prisonnier ont été attaqués par les alguazils. Les soldats ont cru que j'étais aussi un brigand. Il a bien fallu que je me défende. J'ai été blessé. Il y a eu un coup terrible. J'ai cru que ma tête éclatait. Et puis... plus rien ! Si... pourtant... Je me souviens d'avoir eu soif, d'avoir eu froid... Les seuls souvenirs qui me restent sont ceux d'un vent violent, incessant...
    « La cage, », pensa Catherine qui se garda bien d'évoquer l'affreux instrument de torture. Mais il fallait tout de même aider Gauthier à retrouver la pleine possession de sa mémoire.
    — Ces bandits d'Oca, dit-elle, comment étais-tu tombé entre leurs mains ? Un ménestrel florentin que tu avais rencontré sur le chemin de Roncevaux m'a dit t'avoir vu tomber sous les coups des montagnards navarrais. Il les a vus jeter ton corps dans un ravin sans fond... et, pourquoi te le cacher, je te croyais mort !
    — Je l'ai cru aussi. J'étais blessé. Ils m'étaient tombés dessus comme un essaim de guêpes. Ils m'ont ensuite dépouillé de mes vêtements et jeté au fond du ravin. J'aurais dû, normalement, m'y briser les reins, mais les dieux m'ont protégé. Un arbrisseau a arrêté ma chute et, quand le froid m'a ranimé, je me suis retrouvé accroché à ses branches, en fort mauvaise posture cependant. Je grelottais, sans le moindre vêtement, et la nuit tombait. Je me sentais faible comme un enfant ; pourtant, je voulais vivre. Malgré le sang perdu, je réfléchissais. Remonter vers le sentier ? C'était dangereux : d'abord à cause de ma faiblesse qui rendait l'escalade presque impossible, ensuite à cause de mes agresseurs. Qui pouvait dire s'ils n'étaient pas toujours postés sur la route, guettant quelque voyageur surpris par l'obscurité prochaine ? Cette fois ils m'achèveraient avant de me rejeter au ravin...
    « J'en étais là de mes réflexions quand, dans le val au-dessous de moi, je vis des feux s'allumer. Cela me rendit courage. Pensant qu'il s'agissait sans doute de bergers ou de bûcherons, je me mis à descendre, lentement, m'accrochant aux rochers et aux ronces. Vous dire combien de temps dura cette descente, j'en serais tout à fait incapable ! Bientôt, je n'eus plus pour me guider que les flammes rouges. Comment suis-je arrivé en bas sans me rompre tous les os, c'est encore un mystère pour moi...
    — Et, fit Catherine, les bergers t'ont recueilli, soigné ?

    — Recueilli, oui, soigné, oui encore... mais ce n'étaient pas des bergers !
    — Quoi d'autre ?
    — Les hommes d'un seigneur-pillard qui hante la région ; le seigneur Vivien d'Aigrement.
    Catherine fronça les sourcils. Ce nom-là, elle l'avait entendu prononcer, et avec quelle terreur, par les religieux de Roncevaux comme par les paysans de Saint- Jean-Pied-de-Port.
    — Comment t'en es-tu tiré ?
    Je ne m'en suis pas tiré, justement. Ce Vivien d'Aigrement est un fauve, l'un de ces grands

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