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Catherine et le temps d'aimer

Catherine et le temps d'aimer

Titel: Catherine et le temps d'aimer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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époux qui n'a connu, avant de quitter notre contrée, que les horreurs d'une maladrerie, comment pourrais-je lui en vouloir vraiment s'il refuse de s'en aller ?
    Messire Arnaud n'est pas l'homme de la vie molle et des jardins fleuris, coupa la voie brève de Gauthier. Je le vois mal jouant du luth ou respirant des roses dans la soie et le satin. L'épée, la cotte de mailles, voilà ce qu'il aime et plus encore la vie rude des camps et des grands chemins. Quant à ce soi-disant Paradis...
    — Drôle de Paradis ! coupa Josse narquois. Ce palais, cette ville-palais plutôt, que l'on nomme Al Hamra... « la rouge » est semblable à la rose. Il y a des épines cruelles sous ses pétales embaumés.
    Regardez plutôt.
    La main maigre du Parisien avait désigné d'abord la ligne des crêtes montagneuses, ponctuée de fortins dont les murailles, elles, ne se paraient d'aucune douceur. Point de fleurs ici, point d'arbres dont le vent au parfum d'oranger pouvait agiter doucement les panaches verts, point de palmes bruissantes, mais, aux créneaux, l'éclair sinistre de l'acier, la pointe étincelante des casques maures enturbannés de blanc. Puis la main de Josse redescendit vers la double enceinte fortifiée de Grenade, pointa vers les merlons que surmontaient d'étranges boules.
    — Des têtes coupées ! dit-il seulement, comme c'est accueillant !
    Et Catherine frissonna, mais son courage n'en demeura pas moins grand. Le piège était séduisant, fleuri et sans doute dangereux, mais avec ses mains nues, avec son seul amour elle en arracherait les sortilèges.
    — Allons-y ! dit-elle seulement.
    Les haillons qui la couvraient, ainsi que ses deux compagnons, avaient été volés par Josse sur des cadavres rencontrés dans la montagne. Leur saleté avait soulevé le cœur de la jeune femme, mais, sous sa cotonnade noire, elle se sentait à l'abri. Ce pays, qui ne permettait aux femmes de montrer que leurs yeux, avait des usages pratiques pour qui souhaitait se cacher.
    Les yeux rivés aux masses de verdure sur lesquelles ressortaient si bien les murs aux tons chauds d'Al Hamra, Catherine se laissa entraîner, le cœur battant à la fois d'espoir et de crainte. Les Croisés de jadis devaient éprouver quelque chose d'analogue en découvrant Jérusalem... Au milieu d'une foule gesticulante, braillarde, fleurant à la fois le jasmin et l'huile rance, elle franchit la première enceinte assez délabrée. La seconde lui parut lointaine, au-delà d'un espace sans arbres ni construction d'aucune sorte, mais à peu près aussi peuplé qu'un champ de foire un jour de marché. Là se tenaient les marchés aux grains, au fourrage et aux herbes. Des ânes, des mulets, des moutons, des chameaux nonchalants circulaient entre les sacs posés à même la poussière auprès desquels des musulmans aux djellabas terreuses étaient assis, appelant le client à grands cris. Plus loin, on vendait du bois de chauffage, du charbon ; plus loin encore, de la paille, du foin, du fourrage vert. La deuxième enceinte, beaucoup plus haute, ouvrant sur la ville même par le haut fer à cheval de la porte de l'Alcazaba, donnait une rouge toile de fond à cette foule qui réunissait toutes les couleurs de la terre, depuis le noir jusqu'au rouge chaud en passant par tous les bruns, tous les gris, tous les jaunes et tous les ocres. Et puis, la seconde porte passée, tout devenait vert. D'énormes tas de myrte, de basilic, d'estragon, de laurier embaumaient l'air bleu, voisinant avec des couffins débordants d'olives, de citrons, de pistaches et de câpres, et des outres en peau de chèvre pleines de beurre fondu et de miel... Cette ville rouge dont Catherine découvrait le cœur blanc fait de maisons aux toits plats, aux murs nus passés à la chaux, était comme une énorme corne d'abondance d'où coulait la prospérité. Elle posait à la pointe de l'Europe la griffe de l'Afrique immense, mystérieuse et féconde qui s'ouvrait derrière elle jusqu'au bout du ciel. Des conquêtes espagnoles des terribles sultans almoravides ou almohades, hommes voilés de noir venus du grand Atlas et de la fabuleuse Marrakech, il ne restait que peu de chose : ce royaume de Grenade à l'étendue réduite sucré et rouge comme le fruit dont il portait le nom et qui résumait à lui seul tout l'Orient et toute l'Afrique.
    — Quel fabuleux pays ! murmura Catherine émerveillée. Tant de richesse !...
    Il vaudrait mieux éviter de parler français, souffla Josse. C'est une

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