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Catherine et le temps d'aimer

Catherine et le temps d'aimer

Titel: Catherine et le temps d'aimer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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leurs livres saints ; on saisissait leurs biens et, au hasard des vengeances particulières, on les assassinait sous le moindre prétexte. L'antique cité wisigothe, si vieille qu'on lui donnait Adam comme premier roi, prenait un bain de sang dont Catherine et les siens s'étaient écartés avec horreur.
    Cela avait été pour tomber dans un autre danger. Après d'inutiles escarmouches aux frontières de Grenade, l'armée du connétable de Castille, Alvaro de Luna, remontait vers Valladolid et le pays traversé payait le poids d'une mauvaise humeur due à une campagne sans gloire et sans profit. Sur leur passage, les hommes de Luna ravageaient et pillaient comme en pays conquis. Les gens des sierras, si pauvres qu'ils vivaient parfois de l'herbe rare arrachée aux arides plateaux, se dispersaient à leur approche comme volée de moineaux devant l'épervier. Les trois Français avaient fait comme eux. Près de Jaen quelques éclaireurs de l'avant-garde les avaient fait arrêter, mais, grâce à la force de Gauthier,
    à la souplesse et à l'habileté de Josse, ils avaient pu leur échapper, heureux de s'en tirer en y laissant seulement leurs chevaux. D'ailleurs, comme le fit remarquer Josse, la frontière mauresque n'était plus loin et, de toute façon, il eût bien fallu se résigner à abandonner les montures, les mendiants allant rarement à cheval.
    — On aurait pu les vendre ! avait fait remarquer Gauthier en bon Normand.
    — À qui ? Il n'y a pas âme qui vive, dans ce doux pays, qui ait assez d'argent pour acheter seulement un bourricot. La terre est riche, mais voilà des années et des années que l'on se bat sans arrêt dans ce coin, l'herbe même ne pousse plus. Ou bien ce sont les Sarrasins qui font des incursions vers le nord, ou bien ce sont les Castillans qui descendent dans l'espoir d'achever la Reconquista... mais, pour les gens de Jaen et d'alentour, c'est toujours le même résultat : la terre brûlée.
    Courageusement, les trois compagnons s'étaient engagés à pied, dans les sentiers à peine tracés de la chaîne Bétique, marchant la nuit, se cachant le jour, se guidant sur les étoiles qui, pour le truand parisien comme pour le géant des forêts normandes, semblaient n'avoir guère de secrets. Cette dernière partie du voyage fut rude et épuisante, mais Catherine la supporta vaillamment. Ce ciel inconnu, si bleu quand venait la nuit, ces étoiles plus grosses, plus brillantes que toutes celles qu'elle avait contemplées jusque-là, tout cela lui disait qu'elle approchait enfin ce lieu étrange, captivant et dangereux, où vivait Arnaud.
    Le chemin suivi parlait encore de guerre, de souffrance et de mort.
    Parfois, dans l'obscurité, on butait sur un cadavre en train de pourrir tranquillement sous un buisson d'épines ou bien, durant le repos du jour, le cri sinistre des charognards venait emplir le ciel indigo. Les grands oiseaux noirs tournoyaient lourdement puis s'abattaient comme pierre sur un point quelconque du paysage. Mais quand, du haut de l'aride sierra, Catherine avait découvert, à l'aube déjà gonflée de soleil d'une glorieuse journée du sud, la splendeur de Grenade couchée dans son écrin de montagnes comme au cœur d'une immense coquille dont la nacre garderait les reflets de la mer, posée comme un bijou au bord d'une vallée verte et or qu'enfermaient les sommets neigeux d'une sierra, elle était demeurée saisie d'admiration. Des sources sans nombre dévalant la montagne et rejoignant les eaux rapides, claires et bondissantes de deux torrents, rafraîchissaient ce merveilleux pays qui semblait tendre vers le ciel, offrande érigée sur un dur promontoire de roches rouges, jailli de la verdure, le plus rose, le plus chatoyant des palais maures. Une haute chaîne de murailles hérissées de tours carrées enserrait tendrement un séduisant fouillis de fleurs, d'arbres et de pavillons couleur de chair. Par endroits, on devinait le scintillement des fontaines, le miroir d'eau des bassins. Et il n'était pas jusqu'aux rudes briques des remparts qui ne se parassent d'une singulière douceur, comme si elles se refusaient à rompre l'harmonie de cette heureuse vallée où la richesse et l'abondance s'étalaient comme un étonnant tapis de soie.
    Autour du palais enchanté, la ville s'étageait sur de pures collines qu'escaladaient ses murailles. De sveltes minarets, blancs ou rouges, fusaient dans l'air bleu auprès des dômes verts ou or des mosquées.

    Des palais

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