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Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie

Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie

Titel: Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnauld d'Abbadie
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du peuple éthiopien; la toge en est la pièce principale et fondamentale; quant aux pièces accessoires, elles varient selon les provinces et les exigences locales.
    Il ne faut pas croire que ces vêtements, qui semblent calqués sur ceux de la plus haute antiquité, soient immutables et refusent satisfaction au goût de changement, grain de folie inné dans l'homme, qui fait en partie sa noblesse, son charme et peut-être aussi son danger. La mode règne en Éthiopie; ses décrets y sont souverains, ses caprices, ses extravagances même y sont accueillies. Les Éthiopiens qui ont si longtemps joui de grandes libertés politiques et civiles, ne s'astreindraient que difficilement à s'emprisonner dans des formes de costume invariables, et, dans cet ordre d'idées, de même qu'en Grèce et à Rome, leur costume, sans s'écarter complètement des grandes règles de l'esthétique, a l'avantage de se prêter aussi à cette inquiétude, à ces tâtonnements incessants de l'esprit humain, toujours à la recherche de la perfection.
    Plus qu'ailleurs peut-être, en Éthiopie, les habitudes physiques et les tendances morales de l'homme se jugent d'après sa manière de porter ses vêtements: l'initiative en ce genre laissée à chacun concourt puissamment à développer le sentiment des formes et influe sur les manières et jusque sur le langage. On est frappé surtout de la dignité des assemblées; et, quand on est assez familiarisé avec la langue des Éthiopiens pour en apprécier les beautés, on est émerveillé quelquefois de l'élévation de leurs vues, de la convenance, de la mesure et des habiletés de langage qu'ils déploient naturellement.
CHAPITRE III
    APERÇU GÉOGRAPHIQUE, ETHNOLOGIQUE ET HISTORIQUE. L'ANCIEN EMPIRE.
    Les pluies hivernales avaient atteint leur plus grande intensité; il pleuvait quelquefois sans interruption pendant des journées entières, et le tonnerre grondait fréquemment. Un matin, le Lik Atskou vint m'annoncer que l'Atsé ou Empereur le faisait prier de m'engager à me rendre auprès de lui, pour donner mes soins à sa femme dangereusement malade, disait-il. Pour faire plaisir au Lik Atskou, je me rendis avec lui au palais.
    Ce palais, bâti par des Portugais, il y a environ deux siècles, est situé au milieu de quartiers en ruine. Il consiste en une agglomération de bâtiments sans symétrie, terminés les uns en plates-formes bordées de créneaux, les autres en dômes ou en voûtes; autour, règne une enceinte spacieuse et irrégulière formée par une muraille crénelée, à marchepied, à meurtrières et tourelée de distance en distance; le bâtiment principal a pour façade une grosse et haute tour carrée, qui domine tout cet assemblage. De la salle de banquet et d'audience solennelle, il ne reste plus qu'un pan du mur de pignon, au milieu duquel la baie cintrée de la haute porte d'entrée se découpe sur le ciel. Les salles de bains, les étuves sont défoncées; les chambres des femmes n'abritent plus que les oiseaux de nuit; la trésorerie, le garde-meuble, les cuisines, les écuries, les appartements où les Empereurs se retiraient, dit-on, avec leurs familliers pour se reposer de la rigide étiquette de la cour, tout est inhabitable, et personne dans le pays n'était capable même de fabriquer la chaux pour réparer les dégâts causés par le temps. Une ancienne prison et la grande salle où se tenait le plaid impérial sont les seules parties bien conservées. Un vieillard de Gondar disait, en me racontant des anecdotes sur les Empereurs:
    Dieu veut qu'au milieu de ces débris, la prison et la salle des plaids restent debout, pour témoigner contre les violences iniques de notre Famille impériale.
    Les indigènes, quoique habitués aux aspects grandioses et austères de leur pays, s'arrêtent devant cette demeure avec un sentiment de mélancolie respectueuse; quant à l'Européen, il est surpris agréablement comme par une image de la patrie, mais bientôt, il cède aussi à la tristesse, en considérant ce palais mutilé, hautain encore, au milieu des humbles maisons de Gondar, comme un vétéran déguenillé, prêt à raconter aux enfants les guerres d'autrefois.
    Le Lik Atskou s'arrêta sur le palier d'un large escalier extérieur; un enfant demi-nu nous ouvrit la grande porte d'une espèce de corps-de-garde, d'où il nous introduisit dans la salle des plaids, vaste pièce rectangulaire et dénudée, à l'extrémité de laquelle était accroupi sur un lit à

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