Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie
guère 2,000 mètres au-dessus du niveau de la mer, et dont les plus basses sont affaissées au-dessous même de ce niveau; celui-là, des contrées élevées à 2,400 mètres au moins au-dessus du niveau de l'Océan. Ces termes deuga et koualla correspondent aux termes arabes nedjd et tahama , qu'on pourrait à la rigueur exprimer en anglais par les mots high-land et low-land . Si la contrée est d'altitude mitoyenne, c'est-à-dire de 2,000 à 2,400 mètres environ, les Éthiopiens lui donnent le nom de woïna-deuga , ou deuga susceptible de produire la vigne; ils donnent le nom de beurha aux kouallas les plus bas, et en Gojam, celui de tchoké aux deugas d'une altitude de plus de 3,000 mètres; mais on peut dire que les deux désignations génériques servant à fixer l'esprit au sujet de l'altitude d'une contrée sont deuga et koualla .
Note 5: (retour) Pour ne pas élever une discussion analogue à la mémorable et malheureuse querelle de Ramus, à propos de la prononciation de la lettre u placée après q , et pour ne pas enfreindre l'usage grammatical qui veut qu'en français le q soit toujours suivi d'un u au commencement d'un mot, j'écris koualla , quoique le k français, comme le kh et le c dur, représente une articulation gutturale que nous ignorons, et qu'il me semble que si j'écrivais qoualla , la lettre q se rapprocherait davantage du k claqué que nous n'avons pas et qu'il faudrait pour mieux figurer la prononciation de ce mot.
Les Éthiopiens, dépourvus de mesures pour indiquer l'altitude d'un lieu, caractérisent habituellement les deugas et les kouallas par leurs productions les plus importantes du règne végétal; le deuga, par l'orge et la fève; le koualla, par le maïs, et surtout les nombreuses variétés de sorgho ou dourah des Arabes; les kouallas les plus bas, par le coton. Ils désignent aussi comme deuga, mais d'une façon moins absolue, la contrée où les moutons et les chevaux se reproduisent de préférence; et comme koualla, celle où les chèvres abondent. Par suite du spectacle habituel de contrées hautes et contrées basses, les indigènes sont, en général, assez au courant des productions zoologiques et botaniques dépendantes de la différence des altitudes; mais celles que je viens de nommer sont celles qu'ils emploient le plus fréquemment.
Les deugas sont balayés par des vents qui, en Afrique, bornent leurs brises rafraîchissantes aux parties élevées de l'atmosphère; l'air est frais, doux et sec; les sources sont fréquentes, et la végétation laisse des traces abondantes et vertes pendant presque toute l'année; les arbres sont d'un bois tendre, et la plupart des arbustes sont inermes, le feuillage est touffu, les feuilles sont légères, souples, de tons variés et doux à l'œil; le sol est mou, élastique, et pierreux. On voit, dans de vastes pâturages, le poulain folâtrant près des troupeaux de moutons et de bœufs-bisons aux allures majestueuses et au pelage d'une variété inconnue en Europe; la campagne abonde en grandes perdrix rouges; le bouquetin prospère aux flancs des précipices, et le sanglier à masque atteint une taille prodigieuse; les troupes de singes n'y apparaissent que de passage; les scorpions et les reptiles sont rares; leur venin est peu dangereux; l'hyène et le chacal y vivent discrètement, et le grand lion à crinière noire n'y est signalé que de loin en loin.
Dans les kouallas, au contraire, le vent n'est qu'à l'état de brise intermittente et à directions incertaines; le plus souvent, l'air s'y meut sous forme de révolin; à cause du voisinage des deugas, il y forme fréquemment des tourbillons, et, dans les lits encaissés des rivières, le vent y souffle quelquefois avec une furie impérieuse pendant un petit nombre de minutes. L'air, presque toujours chaud, est sec, comme sur les deugas, car une sécheresse permanente et bien sensible à toutes les muqueuses est le caractère le plus saillant du climat éthiopien. Aux nuits fraîches et sereines succèdent des journées durant lesquelles le sol s'échauffe quelquefois jusqu'à 75 degrés. Les sources sont plus rares que dans les hauts pays; la végétation, fougueuse et luxuriante au printemps, se dessèche rapidement aux rayons du soleil et n'offre, pendant plus de la moitié de l'année, que des tons fauves, relevés de distance en distance par quelque arbre gigantesque, aux feuilles épaisses, cassantes et d'un vert poussiéreux. Le bois des arbres est dense et
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