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Hamilcar, Le lion des sables

Hamilcar, Le lion des sables

Titel: Hamilcar, Le lion des sables Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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qu’il fût, il encourait le fouet
et un long séjour dans l’ergastule s’il désobéissait ou déméritait. Épicide
s’était beaucoup amusé de la bouderie du jeune homme. Voilà un garçon qui avait
du caractère, contrairement aux autres aristocrates carthaginois de son âge,
amollis par l’oisiveté et les excès de nourriture ! Le précepteur avait
calculé le temps que mettrait son élève à se dérider et à finir par accepter de
prendre son mal en patience : une dizaine de jours. Il avait vu juste, à
quarante-huit heures près.
    Le matin
du douzième jour, Hamilcar était entré dans la chambre d’Épicide et lui avait
dit d’un ton enjoué :
    — Il
paraît que tu dois faire de moi un paysan. Quand commences-tu tes leçons ?
    — Dès
maintenant et de la manière la plus agréable possible, par une promenade dans
tes terres.
    — Ce
sont celles de mon père.
    — Elles
t’appartiendront le temps venu.
     
    ***
     
    Les deux
hommes avaient parcouru à cheval une partie du domaine. Il s’étendait dans une
vaste plaine parsemée de vergers, de jardins et de vignobles. Épicide fit
remarquer à son élève que la moindre source d’eau était utilisée pour alimenter
le réseau des canalisations pavées qui serpentaient à travers les champs où
s’affairaient des centaines d’esclaves. Ceux-ci étaient vêtus de lambeaux
d’étoffe grossière et travaillaient sous la surveillance de contremaîtres armés
de lourds fouets en cuir de bœuf qu’ils faisaient claquer à intervalles
réguliers pour stimuler l’énergie de la main-d’œuvre. Les hommes avaient l’air
hâve et squelettique, les femmes, dont certaines portaient des enfants sur le dos,
n’avaient pas meilleure apparence.
    — Tu
vois, Hamilcar, dit Epicide, j’aurais pu être l’un de ces malheureux.
    — Mais
tu ne l’es pas.
    — J’en
remercie tous les jours ton père Adonibaal. Sache toutefois que la fortune de
Carthage et la tienne propre sont le fruit du labeur de ces gens.
    — D’où
viennent-ils ?
    — La
plupart sont des habitants de la région qui ont eu l’audace de se révolter
contre Carthage. D’autres sont des prisonniers de guerre dont la marine n’a pas
voulu. Le reste vient des zones situées au-delà du fossé qui marque la fin des
territoires de Carthage.
    Hamilcar
n’avait pas voulu en entendre plus. Il avait piqué son cheval et galopé à
travers les vergers vers les hauteurs du Beau Promontoire. Là, dans des
pâturages à l’herbe drue, paissaient des troupeaux de bœufs, de vaches, de
moutons et de chèvres. Un peu plus loin, à la limite des zones marécageuses, de
superbes chevaux trottaient, crinière au vent. Leur robustesse contrastait
singulièrement avec l’aspect chétif des esclaves. La promenade dura toute la
journée, ponctuée d’une halte dans une modeste bâtisse où le précepteur et son
élève purent se restaurer en mangeant du pain, des olives et quelques figues
juteuses. Le soir, fourbu mais visiblement détendu, Hamilcar s’en alla se
coucher sans prendre le temps de manger.
    Il s’était
sans doute réveillé tôt et c’est la raison pour laquelle Epicide, qui ne
l’avait point trouvé dans sa chambre, le cherchait dans toutes les autres
pièces de la demeure. Il finit par le dénicher près de l’ergastule qu’il avait
fait ouvrir. Il avait délivré tous les esclaves enfermés dans de sombres
cachots par Himilk pour de menues fautes. L’intendant était d’ailleurs là, la
mine contrariée, furieux de voir son autorité être battue en brèche par le
caprice d’un gamin.
    — Salut
à toi, fils d’Adonibaal, dit Épicide. Que fais-tu donc en ce lieu ?
    — Je
me préoccupe de la source de ma richesse, contrairement à Himilk qui traite ces
malheureux comme des chiens. Regarde-le, il n’en mène pas large. Lui aussi doit
regretter amèrement la décision de mon père de m’envoyer ici où il se
comportait comme le véritable maître des lieux. Il est vrai qu’Adonibaal ne
vient jamais dans ce domaine, je me demande bien pourquoi.
    — Il
ne fait qu’imiter ses semblables, répondit Épicide. À tort, et c’est là
l’occasion rêvée pour notre leçon, car l’un des meilleurs fils de Carthage,
l’illustre Magon, a écrit un fort bon traité d’agriculture, que nous lirons si
tu le veux bien, où il note : « Celui qui a acquis une terre doit
vendre sa maison de peur qu’il n’aime mieux vivre en ville qu’à la campagne.

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