Hamilcar, Le lion des sables
aussi n’aiment
pas beaucoup les voyages à ce qu’on m’a dit. Mon cher Carthalon, ils t’ont fait
un insigne honneur en venant te rendre visite.
— Ce
n’est pas moi qu’ils venaient voir. Ils étaient en ambassade officielle et ont
sollicité d’être reçus par le Sénat.
— Je
ne doute pas que ce dernier n’ait pas déféré à leur requête.
— Que
pouvions-nous faire d’autre ? Nous sommes en paix avec Rome depuis notre
malheureuse défaite en Sicile.
— On
pouvait l’éviter. Il fallait payer les mercenaires et nous aurions poursuivi la
lutte jusqu’à la victoire.
— La
question n’est pas là, Hamilcar. Les Romains sont furieux contre toi.
— Contre
moi ? Cela fait des lustres que je n’ai pas rencontré l’un de ces maudits
Romains et c’est tant mieux pour eux car j’ai quelques revanches à prendre. Je
les ignore, qu’ils fassent de même avec moi !
— Hamilcar,
cesse de jouer au plus fin. Nous savons qu’il y a quelques années de cela une
ambassade romaine est venue te voir dans la résidence de Rosh Laban, le Cap
blanc, à quelques journées de marche d’ici.
— Vous
le savez parce que je vous en ai scrupuleusement tenus informés. Ces impudents
voulaient savoir ce que je faisais dans ces contrées. Je leur ai dit que je
travaillais à accumuler des richesses pour Carthage afin que celle-ci puisse
payer à Rome la totalité des 4400 talents qu’elle nous a imposés comme tribut
après la perte de la Sicile et de la Sardaigne. Je leur ai cloué le bec de la
sorte.
— C’est
ce que tu penses. Grâce à tes efforts, il est vrai, nous avons fini de payer
les sommes dues à Rome et c’est bien cela qui les inquiète. Ils ne comprennent
pas pourquoi tu t’obstines à te cramponner dans ces régions inamicales et à
guerroyer sans cesse pour étendre les territoires sous ton autorité. Flavius
Marcianus Pullius m’a affirmé qu’une délégation des habitants de Heliké était
venue demander la protection du Sénat romain.
— Les
seuls assiégés à avoir pu quitter la ville depuis que je l’ai investie ont été
tués par mes cavaliers numides. Il faut donc croire que les Romains sont en
communication avec les puissances de l’au-delà.
— Rassure-toi,
nous n’avons pas cru un mot de leurs affirmations.
— Donc,
tout est pour le mieux !
— Hamilcar,
tu ne comprends que ce que tu veux bien comprendre, c’est ton principal défaut.
La situation est plus grave qu’il n’y paraît. En fait, les Romains veulent nous
voir abandonner nos positions sur ces côtes.
— Ils
n’en ont pas le droit !
— Ils
le prendront.
— Et
nous résisterons. Depuis des temps immémoriaux, nos ancêtres ont établi ici des
comptoirs et des villes où l’on parle notre langue et où l’on adore nos dieux.
Veux-tu que je te mène devant les urnes funéraires de ces hommes et de ces
femmes qui ont sacrifié leur vie pour la grandeur de Carthage ? Certains
de ces tombeaux sont si vieux qu’ils sont presque en ruine. Ce sont là nos
arguments et la preuve de nos droits. Les Romains veulent nous chasser d’ici
comme ils nous ont chassés de Sicile et de Sardaigne en violation du traité
signé par eux. Bientôt, ils nous demanderont d’abandonner Carthage parce
qu’elle fait de l’ombre à leur gloire. Mais que leur a répondu notre brave et
sage Sénat ?
— Nous
les avons écoutés et avons déclaré que nous leur ferions connaître notre
réponse sous peu.
— Tu
as bien une idée de ce qu’elle sera ?
— Aucune.
Les sénateurs sont partagés, hésitants. Ils doivent tenir compte de l’avis de
la populace qui gronde contre les Romains et qui abreuvait d’insultes leurs
envoyés lorsqu’ils circulaient en litière dans les rues de la ville. Beaucoup
sont partisans de se battre. Mais, en dépit des cargaisons d’argent que tu nous
envoies, le Trésor est vide et nous n’avons pas les moyens de mener une guerre
sur terre et sur mer. Aussi, un certain nombre de sénateurs, dont je suis, ont
pensé à une solution qui montrerait notre bonne volonté tout en nous conservant
nos possessions dans ces contrées.
— Laquelle,
Carthalon ?
— Que
tu acceptes d’abandonner ton commandement et que tu reviennes à Carthage où le
Sénat saura récompenser ton dévouement et ton sacrifice.
— Rien
que cela ! Veux-tu me dire en quoi mon départ apaiserait ces fils de
chiens ?
— Parce
que tu es leur pire ennemi. Ils savent
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