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Hamilcar, Le lion des sables

Hamilcar, Le lion des sables

Titel: Hamilcar, Le lion des sables Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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Introduction
    Sous sa
tente de toile blanche protégée par un auvent crénelé, Hamilcar cherchait en
vain le sommeil. En ce début d’après-midi, la chaleur accablante condamnait à
la torpeur bêtes et hommes. Sur les murailles de Heliké [1] la cité ibérique qu’il assiégeait depuis des semaines, les guetteurs
eux-mêmes, exténués par des nuits de veille, s’étaient assoupis sans craindre
les conséquences de ce geste. Ils savaient d’instinct que nul ne se hasarderait
à lancer une attaque à cette heure de la journée. Personne, pas même Hamilcar
Barca, le légendaire général carthaginois dont le seul nom glaçait d’effroi ses
adversaires.
    Si le chef
punique cherchait désespérément le sommeil, c’est que la matinée avait été
particulièrement rude et éprouvante. Dès l’aube, les assiégés avaient tenté une
sortie en force, sans doute pour s’emparer de quelques têtes de bétail dans le
camp carthaginois.
    Avec deux
escadrons de cavaliers numides montant à cru leurs petits chevaux nerveux, et
quelques groupes de mercenaires ligures et sardes, Hamilcar s’était précipité
au-devant des assaillants parmi lesquels figuraient bon nombre d’Orisses, une
tribu montagnarde venue offrir ses services aux assiégés.
    Il avait
tout de suite repéré celui qui serait son premier adversaire : un homme de
haute taille, aux cheveux roux et à la joue droite balafrée par un coup d’épée.
Il l’avait choisi peut-être à cause de la couleur, inhabituelle, de sa
chevelure ou parce qu’il paraissait commander les opérations. Mais, en
engageant le combat avec lui, il avait vite compris que cette particularité
physique n’avait pas dicté sa décision, pas plus que le haut rang de l’homme.
Ce qui l’avait amené à engager le combat avec lui était l’étrange comportement
de ce guerrier ibère. D’une part, il paraissait, en bon soldat, déterminé à
vendre chèrement sa peau et maniait d’ailleurs sa courte épée avec une énergie
incroyable. Mais, d’autre part, son regard avait quelque chose d’étrange. Il
était fixe, désespérément fixe comme si l’homme, insensible et aveugle à tout
ce qui l’entourait, se contentait de lutter machinalement pour la vie et de
répéter les gestes tant de fois accomplis lors d’autres batailles.
    « Ils
en sont déjà là », avait pensé Hamilcar tout en perçant sans regret ni
pitié de son glaive la poitrine de son adversaire. Dans son regard, il avait
reconnu le spectre de la faim, de cette faim qui tenaille l’homme et le fait
dépérir de l’intérieur tout en lui laissant une apparence de force. Ce
regard-là, il l’avait déjà entr’aperçu quelques années plus tôt sur le visage
d’un des mercenaires pris au piège dans le défilé de la Scie et qu’il avait
fait piétiner sans pitié par ses éléphants pour obéir aux ordres du Sénat de
Carthage. Il se souvenait de cet homme, un Thrace, qui, comme ses compagnons,
n’avait rien mangé ni bu depuis trois jours. Lui aussi avait les mêmes yeux
absents et n’avait pas esquissé le moindre geste lorsque la patte du pachyderme
s’était abattue sur lui. Il était déjà dans l’au-delà et un nouveau compagnon
venait de l’y rejoindre.
    D’avoir
retrouvé si loin du défilé de la Scie le même regard constituait pour Hamilcar
une information précieuse. C’était le signe que le siège, qui durait déjà depuis
des mois, ne tarderait pas à se terminer. Lorsque les hommes ont ces yeux-là,
cela veut dire que, les dernières réserves de grain étant épuisées, ils en sont
réduits à différents expédients non pas pour se nourrir mais pour se caler
l’estomac : ronger le cuir des harnais ou des ceintures, faire bouillir de
l’eau mêlée à de la terre.
    Fin
calculateur, Hamilcar n’éprouvait pas de pitié pour les assiégés. Il avait pour
mission de prendre la ville et il la prendrait, coûte que coûte. D’ailleurs,
même si cette dernière lui avait ouvert ses portes, il n’aurait pas épargné les
habitants. A seule fin de faire un exemple. Pour que les autres cités
comprennent qu’on ne doit même pas manifester l’ombre d’une velléité de
résistance face à Hamilcar Barca, général élu par le peuple de Carthage
rassemblé sur la grand-place de la Ville des Villes.
    Il n’avait
pas pitié mais le souvenir de l’étrange regard de son adversaire roux
l’empêchait de trouver le sommeil à l’heure de la sieste. Les deux coupes

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