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Haute-savane

Haute-savane

Titel: Haute-savane Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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le bon fonctionnement.
    Située au milieu d’un jardin descendant en pente douce jusqu’à la rivière de Harlem, la maison était un manoir campagnard nommé Mount Morris, du nom de son bâtisseur, un certain colonel Morris qui l’avait bâtie en 1765 et qui, fidèle soutien du roi d’Angleterre, était reparti outre-Atlantique dès le début de la Révolution, abandonnant à un ménage d’anciens serviteurs le domaine où il avait espéré revenir rapidement mais que le traité de paix lui avait rendu désormais inaccessible.
    Ne sachant trop que faire, Mrs. Hunter et son mari, les gardiens, en avaient fait l’acquisition provisoire quand les biens anglais avaient été mis en vente et, en attendant de voir comment tournerait le vent, avaient pris le parti de louer Mount Morris, et leurs services par la même occasion, ce qui leur permettait de veiller au maintien en bon état de la propriété.
    Ayant séjourné l’un comme l’autre au Canada pendant plusieurs années, les Hunter parlaient couramment le français, détail inappréciable aux yeux de Tournemine qui pouvait leur confier sa maisonnée durant l’absence qu’il projetait pour mener à bien son ambassade auprès de Washington, régulariser ses titres de propriété pour sa concession de la Roanoke River et se mettre à la recherche de son fils dans les camps indiens.
    Ce fut donc dans cette agréable demeure que l’on apporta Judith, étendue sur un brancard porté par deux hommes de l’équipage. Pour Tournemine, c’était la première fois qu’il revoyait sa femme depuis le départ et il se félicita d’avoir remis à plus tard l’indispensable explication : l’aspect de la jeune femme aurait inspiré la pitié à son pire ennemi en admettant qu’elle en eût un autre qu’elle-même. Blême, émaciée et visiblement d’une affreuse maigreur, elle serrait contre sa poitrine ses petites mains qui ressemblaient à des griffes d’oiseau. De larges cernes bleus marquaient ses yeux sombres et les élargissaient encore de telle sorte que le reste du visage disparaissait.
    Quand elle apparut sur le pont du Gerfaut , à la lumière grise d’un matin de brume, et que Gilles rencontra le regard de ces yeux-là, il sentit son cœur se serrer. À quelle extrémité physique l’avait-il réduite, Seigneur ! En surimpression sur cette pauvre image, il revoyait celle, insolente d’éclat, de la reine de la nuit et aussi le fantôme charmant et virginal qu’il avait rencontré à la lumière des chandelles, durant cette nuit où tous les morts paraissaient être sortis de leurs tombeaux 6 . Quelque chose ressemblant à un remords s’insinua en lui. Ne l’avait-il amenée ici que pour y mourir ?
    Doucement, avec une infinie pitié, il prit l’une des mains si menues. Elle était froide et, pour la réchauffer, il la garda un instant dans les siennes tandis que son regard sévère s’en allait interroger Rozenn qui se tenait auprès du brancard, aussi lugubre sous sa mante noire que l’ange de la Mort. La vieille femme dut deviner le soupçon terrible qui passait à cette minute par l’esprit du chevalier car elle haussa les épaules et bougonna :
    — Un plancher stable, une bonne nourriture et du repos et madame se portera bientôt comme vous et moi.
    — Je l’espère, dit Gilles.
    Puis, comme Judith avait ouvert les yeux et posait sur lui un regard où il n’eut aucune peine à déceler une mortelle angoisse, il se pencha vers elle et doucement lui dit :
    — Vos souffrances vont prendre fin, madame. Je vous ai trouvé ici une maison agréable, bien située et au bon air. Un médecin vous y attend pour vous aider à reprendre vos forces.
    — Je n’ai pas besoin de médecin.
    — Vous savez bien que si. Mais, avant de vous confier à lui, je veux que vous soyez en paix durant tout le temps que durera mon absence car je dois effectuer un voyage important.
    — Vous… resterez longtemps absent ?
    — Je l’ignore. Sachez seulement que nul ne vous fera de mal en ce pays où, je l’espère, nous allons pouvoir nous installer… et cela quelle que soit la… nature du mal dont vous souffrez et dont nous parlerons à mon retour quand vous serez rétablie…
    Une onde de sang – exploit dont on l’aurait bien crue incapable – monta aux joues de Judith mais elle ne dit rien, se contentant de refermer les paupières indiquant par là qu’elle n’avait pas envie de poursuivre l’entretien, mais Gilles put voir les traits

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