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Haute-savane

Haute-savane

Titel: Haute-savane Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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l’entraîna à travers la pelouse.
    — Merci, Gédéon ! Par ici, mon ami, la terrasse est de ce côté !
    Dissimulée par les retombées somptueuses des grands arbres, une longue plate-forme étayée par des colonnes avait été construite au flanc du coteau dominant la courbe du Potomac. Le général Washington avait coutume de s’y rendre deux ou trois fois par jour afin d’y observer, à l’aide d’une longue-vue, les mouvements du fleuve.
    C’était à cela qu’il s’occupait quand les deux hommes débouchèrent sur son observatoire. La lunette vissée à l’œil et la mine mécontente, sans faire plus attention aux arrivants que s’il ne les avait pas entendus venir, il scrutait le large croissant scintillant, magnifique et majestueux vu de cette hauteur, comme s’il avait personnellement quelque chose à lui reprocher et en marmottant des choses inintelligibles.
    Pensant que son navire faisait les frais de la mauvaise humeur du grand chef, Tournemine s’approcha de la balustrade pour voir ce qu’il en était mais respira : une grande frégate portant encore toute sa voile était en train de venir au mouillage à quelques encablures du Gerfaut et, apparemment, elle n’était pas la bienvenue.
    Brusquement, Washington haussa les épaules, se retourna, repliant d’un geste sec sa longue-vue, et fit face à ses visiteurs.
    — Le dîner de tantôt risque de ne pas être aussi agréable que je l’aurais souhaité pour vous, mon cher chevalier, dit-il en tendant à Gilles une main que celui-ci serra avec respect. Aussi hâtons-nous d’aller prendre notre breakfast en toute tranquillité. Ensuite, je vous ferai visiter mes terres comme j’ai coutume de le faire chaque jour d’ailleurs.
    Le tout comme s’ils s’étaient quittés la veille au soir et non six ans plus tôt…
    — Je suis à vos ordres comme autrefois, général, dit Gilles, et très heureux d’avoir l’honneur de vous revoir ainsi que de l’accueil que vous voulez bien me faire.
    Washington se mit à rire tout en reculant de trois pas pour considérer son visiteur de la tête aux pieds.
    — Hum ! Vous voilà devenu un véritable gentilhomme, à ce que l’on dirait ? Il est vrai que vous aviez déjà l’étoffe pour tailler l’habit. Néanmoins, vous avez changé… Vieilli surtout ! Quel âge avez-vous donc ?
    — Vingt-quatre ans à la Sainte-Anne prochaine !
    — Vous en paraissez largement trente mais c’est normal ; la guerre et les combats politiques ne rajeunissent pas les hommes.
    — On ne le dirait pas en vous regardant, général, dit Gilles audacieusement. Vous n’avez pas changé. Au costume près, vous êtes tel que je vous ai vu la dernière fois, quand j’ai quitté ce pays pour porter en France la nouvelle de la victoire…
    Ce n’était pas là courtisanerie mais pure vérité. Sous les habits civils de drap foncé, simples et de coupe un peu désuète qui avaient remplacé son uniforme fatigué, le général Washington gardait à cinquante-cinq ans une silhouette de jeune homme. Sa haute taille demeurait toujours aussi droite et, sous ses cheveux légèrement poudrés attachés sur la nuque par un ruban noir, son beau visage, à la fois affable et majestueux, n’avait pas pris une ride.
    Le sincère compliment de Gilles le fit sourire.
    — Autrement dit, fit-il avec bonne humeur, nous voilà enchantés l’un et l’autre ! Allons nous restaurer, à présent. Nous aurons toute la journée pour causer de vos affaires avant que l’insupportable capitaine Beardsley ne nous tombe dessus avec ses sempiternelles réclamations…
    Et, passant son bras sous celui de son visiteur, Washington l’entraîna vers la maison. Tim suivit en jouant avec une paire de grands chiens qui venaient d’accourir vers lui en donnant toutes les marques d’une affection débordante.
    L’intérieur de Mount Vernon était simple : un vestibule, d’où partait un bel escalier, séparait deux pièces de réception : un salon appelé parloir et une salle à manger dans laquelle la table était mise. Et Tournemine remarqua avec amusement que les trois pièces, tout comme l’hôtel de l’ambassadeur Jefferson à Paris, étaient décorées par des bustes de grands hommes : Alexandre et César, naturellement, Charles XII de Suède et Frédéric II de Prusse (ce buste-là était un cadeau du modèle), le général anglais Marlborough et le prince Eugène.
    En rentrant chez lui, Washington commença par

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