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Haute-savane

Haute-savane

Titel: Haute-savane Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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besoin de le rejoindre que par le désir de fuir cette pièce qu’il aimait où la mort, pour un temps, venait de s’installer. De fuir aussi le regard indéchiffrable de Judith qu’il ne pouvait rencontrer sans malaise. Il ne savait pas ce qu’il y avait au fond de ces deux grands lacs noirs. Étaient-ce les larmes retenues qui les faisaient si brillants ? Et quand ils se posaient sur lui, exprimaient-ils la colère, la pitié ou une immense indifférence ?
    Mais comment pouvait-il espérer deviner les sentiments secrets de sa femme quand il était incapable de s’analyser lui-même ? Quand il imaginait Madalen, si blonde, si douce, si fragile livrée aux mains brutales de ce Legros, il se sentait devenir fou. Son imagination lui montrait des images si abominables qu’il avait envie de crier, tout seul dans la nuit comme un loup malade. Il fallait qu’il pût la sauver, l’arracher à cet homme avant qu’il se fût approprié ce que lui n’osait même pas demander à genoux… Il le fallait s’il voulait pouvoir encore dormir…
    Pourtant les paroles de Judith lui revenaient, accablantes comme les prophéties de Cassandre. Allait-il vraiment devoir abandonner « Haute-Savane », son domaine bien-aimé, à ce misérable qui n’avait reculé devant aucun crime ? « Haute-Savane » et les trois cents travailleurs qui lui donnaient sa richesse et qu’elle faisait vivre ? Ce n’était pas possible ! Il ne pouvait pas permettre que Legros revienne avec son arsenal de bourreaux, de fouets, d’instruments de torture en tout genre, qu’il replante un mancenillier dévoreur de chair humaine, qu’il chasse la paix et la liberté de ce coin de terre rendu à sa douceur naturelle pour y ramener la terreur, la violence et la haine… Pourtant, si Pongo échouait dans sa mission, s’il ne revenait pas à temps pour qu’avec tous les siens Gilles puisse aller enfumer la bête sauvage dans sa tanière c’était à cela qu’il faudrait en venir : livrer cette terre, cette maison qu’il aimait plus que lui-même ou bien laisser Madalen mourir après avoir subi les pires souillures. Cela non plus il ne pouvait pas l’admettre. Alors ?
    Il s’efforça de se reprendre. Pongo était l’habileté même. Il n’avait jamais échoué dans une mission. Pourquoi donc, pour la première fois et quand tant de choses importantes étaient attachées à sa réussite, aboutirait-il à un échec ?
    Mais les heures coulèrent sans ramener Pongo. Le jour se leva, illumina le monde. Anna Gauthier fut portée en terre, après une messe dite par l’abbé Le Goff dans le grand salon de « Haute-Savane », suivie par son fils qu’encadraient Judith et Gilles mais le chemin demeura désert. Tout au moins jusqu’à l’heure précédant le coucher du soleil. Malheureusement, ce ne fut pas l’Indien qui gravit alors les marches du perron en haut duquel Gilles, debout, guettait inlassablement, ce fut le Maringouin…
    En le voyant paraître, Gilles, déçu et furieux, ne fut pas maître de son premier mouvement. Empoignant l’homme par sa veste il le souleva jusqu’à ce que sa figure de taupe fût à la hauteur de son propre visage.
    — Comment oses-tu reparaître ici, misérable ? gronda-t-il. Comment oses-tu venir me narguer jusque dans ma maison ?
    — Hé là ! hé là ! señor  ! Lâchez-moi donc ! En voilà des façons… Ça n’arrangera pas les affaires de la jolie petite si vous m’étranglez ! Je… je viens en ambassadeur.
    Le dégoût faucha net la colère de Gilles qui ouvrit les mains, laissant l’homme rouler sur les dalles de la véranda.
    — Un ambassadeur, toi ? Alors, parle ! Que viens-tu me dire ?
    Le Maringouin découvrit ses dents gâtées dans un sourire narquois, mais ses prunelles couleur de granit se firent encore plus dures si la chose était possible.
    — Que la demoiselle va bien, que tout le monde chez nous en est déjà amoureux… et que M. Legros attend avec impatience que vous lui fassiez l’honneur de lui rendre visite. Il vous attend.
    — Il m’attend ? Vraiment ! Et où ?
    — Où je vais avoir l’honneur, moi, de vous conduire, señor , sans armes… et les yeux bandés quand il le faudra.
    — Vous me prenez pour un enfant ? Je vais vous suivre désarmé, aveugle ? Et dans quel but ? Une fois dans ce mystérieux endroit qu’est-ce qui empêchera votre patron de me tuer, car au fond c’est ma mort qu’il veut et ensuite celle de sa

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