Histoire De France 1618-1661 Volume 14
fermeté mobile, dégagée des armures de limaçon sous lesquelles on traînait, est le secret de la victoire.
Dans ces hardis joueurs qui venaient à cette noble loterie, on voyait un bon nombre de nos Français réfugiés de Hollande. L'armée suédoise était surtout, avant tout, l'armée protestante. L'alliance française, qui eût été désirable à Gustave en 1627, quand Richelieu faisait la guerre au pape en Valteline, lui fut extrêmement antipathique en 1629, quand Richelieu, vainqueur de la Rochelle, appelé par le pape en Italie, était chanté et célébré par tout le parti catholique. Et, d'autre part, le ministre, qui alors comptait sur Rome, et déjà se croyait légat, n'eût eu garde de toutgâter par une telle alliance. Il tenait cependant près de Gustave un militaire distingué, Charnacé, qui négociait, semblait vouloir traiter, se mêlait fort des affaires de Gustave (de sa trêve avec la Pologne). Ce qu'il voulait surtout, c'était d'inquiéter l'Empereur, de retenir Waldstein au Nord, tandis que le duc de Lorraine et Monsieur l'appelaient en France.
Une alliance que préférait Gustave était celle de Bethlem Gabor, son beau-frère, le chef des Marches turques, qui tenait l'Empereur par derrière. Mais il mourut en novembre 1629. Gustave eût volontiers pris des subsides du roi d'Angleterre, directement intéressé aux affaires d'Allemagne pour la spoliation de son parent, le Palatin. Mais Charles, en lutte avec sa nation, et sous l'influence de sa femme Henriette, n'était nullement ennemi de la maison d'Autriche. Gustave ne l'ignorait pas; il jugeait déjà Charles comme aurait fait Cromwell, et voyait dans son employé Vane un traître, un employé de Madrid.
Quant au Danois, la terreur de sa défaite l'avait mis si bas, que, pour se sauver seul, il sacrifiait tous ses alliés protestants. Bien plus, il entrait (en dessous) dans un honteux traité avec l'aventurier, le grand marchand de meurtres, Waldstein, et il allait mêler le sang de cet homme au sang royal en épousant sa fille, riche des pleurs de l'Allemagne!
Donc, Gustave était seul.
Richelieu ne vint sérieusement à lui que fort tard, le 24 décembre 1629. Ayant alors vaincu la cour par la découverte des lettres qui dévoilaient les trois cabales, à cette époque aussi décidément désabusé dupape, il offrait de l'argent à Gustave pour qu'il passât en Allemagne. À quelles conditions? En promettant de respecter l'usurpation que la Bavière avait faite du Palatinat. Or, c'était le point grave dans les affaires de l'Allemagne. L'électorat du Palatin, transmis à la catholique Bavière, était le signe suprême de la victoire des catholiques. En respectant cela, quoi qu'on fît, on ne faisait rien. Richelieu n'appelait Gustave en Allemagne qu'en l'entravant, voulant qu'il s'abdiquât et s'énervât d'avance.
Et cela pour trois cent mille francs!... Richelieu offrait cette somme pour chaque année . Mais y aurait-il plusieurs années? La première, dans une si grande et si terrible lutte, ne serait-elle pas la victoire ou la mort?
La question fut décidée par le sénat de Suède, indépendamment de la France. Le chancelier Oxenstiern était contre le passage. Le roi et le sénat furent pour: 1 o parce qu'on avait déjà un pied en Allemagne, Stralsund, qu'on avait défendu contre Waldstein et qu'on voulait garder; 2 o pour garder (chose grave pour un pays pauvre comme la Suède) le gros revenu de la douane de Dantzig qu'on venait d'acquérir; 3 o pour garder surtout la Baltique. Waldstein s'y établissait décidément, comme maître du Mecklembourg. Il s'intitulait follement propriétaire des mers du Nord . Mais l'Espagne, mais la Hollande, avec leurs grandes flottes, ne l'auraient pas laissé paisible. Elles seraient venues se battre dans la Baltique, s'y faire des établissements. Et le Suédois n'eût plus été chez lui.
Donc, on résolut le passage. Le 20 mai 1630, Gustaveapporta aux États de Suède son unique enfant dans ses bras (la petite Christine), la leur remit, leur fit ses adieux, et il chanta son psaume (le quatre-vingt-dixième): «Rassasie-nous, le matin, de ta Grâce... Nous serons joyeux tout le jour!»
Le 24 juin, il débarqua en Allemagne, près de l'île Rugen, avec quinze mille hommes. Il écrivit ses griefs à l'Empereur, l'appelant sans souci de l'étiquette, dans sa bonhomie de soldat: «Notre ami et cher oncle.» À quoi Ferdinand, exaspéré, ne répondit pas moins avec une douceur
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