Histoire De France 1618-1661 Volume 14
range avec les fantaisistes, et qui, tout au contraire, eut la conception première du monde positif, du monde vrai de la Foi profonde , identique à la science.
Je ne vois au XVII e siècle que deux hommes gais, Galilée et Gustave-Adolphe.
Galileo Galilei, fils du musicien qui trouva l'opéra,et musicien lui-même, élève des grands anatomistes de Padoue, qui lui apprirent à fond le mépris de l'autorité, professait les mathématiques. En littérature, son livre, c'était l'Arioste; il laissait là le Tasse et les pleureurs.
Deux choses un matin lui tombent dans les mains, un gros livre d'Allemagne et un joujou de Hollande. Le livre, c'était l' Astronomia nova de Keppler (1609) et le joujou, c'était un essai amusant pour grossir les objets avec un verre double.
Keppler avait trouvé les mouvements des planètes, affermi Copernic et pressenti Newton. Galilée, au moyen de l'instrument nouveau qu'il organise, suit la voie de Keppler, et, derrière ses planètes, il voit la profondeur des cieux (1610).
Foudroyé et ravi, saisi d'un rire divin, il communique au monde la joie de sa découverte. Il en fait un journal: Messager des étoiles .
Puis les célèbres dialogues. Nulle pompe, nulle emphase; la grâce de Voltaire et le style le plus enjoué.
Voilà la vraie grandeur.
Nous la trouvons la même dans le maître de l'art militaire, Gustave-Adolphe, créateur de la guerre moderne. Si l'on veut croire ce qu'il disait, qu'il l'apprit d'un Français, il restera du moins le héros qui la démontra.
Vrai héros et grand cœur, dont ses ennemis, terrassés, ne bénirent pas moins la douceur et l'inaltérable clémence.
Ce qui étonnait le plus en lui, c'était surtout sonétonnante sérénité, son sourire en pleine bataille. La conception du bon Pantagruel, du géant qui voit de haut les choses humaines, semblait s'être réalisée dans ce véritable guerrier. Il n'eut ni le génie morose de notre Coligny, ni le froid sérieux du Taciturne, ni l'âpreté farouche du prince Maurice. Tout au contraire, une humeur gaie, des traits de bonhomie héroïque.
Cet enjouement de Galilée et de Gustave-Adolphe, des deux hommes vraiment supérieurs, est un trait fort spécial, fort étranger au temps, et qui n'y a nulle influence. Le temps est sec, et triste, sombre.
Gustave n'apparut que pour un jour, pour montrer une science nouvelle, vaincre, périr. Galilée, pendant très-longtemps, influa peu; vingt ans après sa découverte, le jeune Descartes, qui va en Italie, ne le visite point et semble ignorer qu'il existe. La révolution de Luther, en l'autre siècle, a couru en un mois par toute l'Europe, et jusqu'en Orient. Celle de Galilée est négligée vingt ou trente ans, comme serait un badinage astrologique. Personne n'en sent l'énorme portée, morale et religieuse.
Avant de faire connaître la révolution militaire qu'opéra Gustave-Adolphe, il n'est pas mal de le montrer lui-même.
C'était un homme de taille très-haute (quelques-uns disent le plus grand de l'Europe). Très-large front. Nez d'aigle. Des yeux gris clairs (assez petits, si j'en crois les gravures), mais pénétrants. Il avait pourtant la vue basse, et il eut de bonne heure, étant Allemand par sa mère, beaucoup d'embonpoint. Sa grande force d'âme et de corps, sa paix profonde dans le péril où ilpassait sa vie, et l'absence absolue de trouble, n'avaient pas peu contribué à le faire gras. Cela le gênait un peu; on ne trouvait guère de chevaux assez forts de reins pour le porter. Mais cela le servait aussi. Une balle, qui eût tué un homme maigre, se logea dans sa graisse.
Il était fort sanguin, et il avait parfois de petits moments de colère, fort courts, après lesquels il se mettait à rire. Il s'avançait aussi trop en bataille, comme un soldat. Sans ces défauts, les seuls qu'on lui reproche, on aurait pu le croire plus haut que la nature humaine.
Il était étonnamment juste, et trouvait bon que ses tribunaux suédois le condamnassent en ses affaires privées. Il apparut dans cette horrible guerre de Trente ans, où il n'y avait plus ni loi ni Dieu, comme un divin vengeur, un juge, la Justice elle-même.
L'approche seule de son camp, irréprochablement austère, était une révolution. Un de ses hommes, qui venait de prendre les vaches d'un paysan, sent une main pesante qui se pose sur son épaule. Se retournant, il reconnaît le bon géant Gustave, qui lui adresse avec douceur ces fortes paroles: «Mon fils, mon fils, il te
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