Histoire De France 1618-1661 Volume 14
éperdu, jure qu'il ne remettra jamais les pieds «chez cette furie.»
On saisit ce moment. Retz et les amis de Condé s'étaient réconciliés. Conti devait payer la liberté que lui rendrait la Fronde en prenant une fille salie, la jeune Chevreuse, avec qui vivait le coadjuteur. La vieille Fronde de Retz et des Chevreuse adopte la nouvelle Fronde des amis de Condé, des gens d'épée, des nobles. Ce monstre des deux Frondes, associant deux choses hostiles et inassociables, naquit dans le lit de mademoiselle de Chevreuse, par les soins de sa mère, qui la livrait et faisait de sa honte le lien des partis.
Quoi qu'il en soit, le monstre hétérogène n'en éclata pas moins avec une invincible forme. Les gens d'épée, en nombre, s'assemblent. Au Parlement, sur cette injure de Cromwell et Fairfax, s'élève l'aigre cri des Enquêtes, et bientôt le tonnerre du peuple. Mazarin, sans savoir comment, se sent levé de terre, et si léger, qu'il ne tient plus à rien. Bref, le 6 février,il perd la tête, il part seul du Palais-Royal, seul, lorsqu'il pouvait sans obstacle emmener le roi. Les portes étaient ouvertes, nul obstacle. Par excès de prudence, il jugea qu'une femme, un enfant, retarderaient sa fuite, en rendraient le succès douteux.
Comme on admire toujours ce qui réussit, plusieurs sont parvenus à trouver dans cette lâcheté une politique profonde. Qui ne voyait pourtant que les portes, ouvertes le 6, pourraient être fermées le 9, le jour où il avait remis la fuite de la reine et du petit roi?
En contant cette belle histoire, on est tenté de croire qu'il n'y a plus de mâles en France, plus de virilité que sous la jupe. Il faut une femme pour dire qu'on doit fermer les portes de Paris; c'est la jeune Chevreuse. Il faut une femme, celle de Monsieur, pour signer l'ordre; il n'ose le faire. On s'agite, on s'éveille, on s'arme la nuit du 9; on pénètre au Palais-Royal. Mais une femme suffit pour finir tout et endormir le peuple. La reine, avertie, a le temps de débotter l'enfant royal, de le remettre au lit. Il dort ou fait semblant. Les innocents bourgeois admirent ce bel enfant, leur roi (déjà si bon acteur); ils retiennent leur souffle, s'en veulent d'avoir troublé ce sommeil d'innocence, et, s'écoulant sur la pointe du pied, maudissent ceux qui les ont trompés et leur font passer la nuit blanche (9 février 1651).
Mazarin courait vers le Havre, voulant devancer les frondeurs, et lui-même délivrer les princes. À quoi bon? Ceux-ci voyaient bien qu'il agissait contraint, forcé. Ils rentrent dans Paris, et ils le trouvent charmé de les revoir. Condé sortait refait et rajeunipar son malheur, embelli du roman de sa vaillante petite femme. Les plus hardis des siens lui parlaient d'enfermer la reine et de se faire régent, roi. Mais Mazarin en fuite avait, comme les Parthes, décoché derrière lui un trait aigu qui vint passer à travers les partis, les disjoindre, les affaiblir tous.
Deux assemblées existaient à Paris, dont on pouvait tirer parti contre le Parlement. La noblesse était réunie aux Cordeliers, et le clergé aux Augustins. La première assemblée comptait huit cents messieurs des plus gros bonnets du royaume, princes, ducs, seigneurs. Les voilà qui raisonnent, qui cherchent aux vieux temps, qui se rappellent les hauts plaids féodaux qui gouvernaient jadis, qui se demandent comment le gouvernement est maintenant aux mains sales des gens de chicane, des procureurs crottés. Ils en viennent à cet axiome: «La loi est au-dessus du roi, au-dessus de la loi les États généraux.»
Chose admirable. Le clergé fait écho. Il adopte, sans sourciller, le principe révolutionnaire. Évidemment, la facilité des États de 1614, le peu de peine que les privilégiés avaient eue à les éluder, les enhardirent cette fois, et ils n'hésitèrent pas à prononcer le mot qui, dans un autre temps, leur eût fait dresser les cheveux.
Mort, bien mort était donc le maître (nous voulons dire le peuple, nous voulons dire la France), pour que les valets orgueilleux, les dilapidateurs de cette pauvre maison ruinée, risquassent de prononcer le nom redouté du défunt et de danser sur son tombeau!
L'effet fut excellent. Le faquin l'avait bien prévu de la frontière, quand il envoya ce mot d'ordre. Le Parlement informe sur les injures de la noblesse. La noblesse veut jeter le Parlement à l'eau (mars 1651).
La reine prisonnière se retrouve si bien maîtresse, qu'elle ne daigne consulter
Weitere Kostenlose Bücher