Histoire De France 1618-1661 Volume 14
galante, dit-il, est la providence des vieilles, etc. (V. Haussonville).
Condé, sur un grand champ de mort, avait montré aussi une étrange gaieté: «Bah! ce n'est qu'une nuit de Paris.»
Qui donne les détails de famine que l'on a vus plus haut? Principalement les missionnaires envoyés de Paris par Vincent de Paul pour porter à ce pauvre peuple les aumônes des dames charitables. Secours minimes, en tout, six cent mille livres en six années.
En Picardie, on donne trois cents livres par mois pour dix-huit cents personnes; donc, pour chacune, trois sous et demi par mois.
Vincent fut admirable, quelque peu qu'il ait fait. Ce qui étonne seulement, c'est qu'ayant tant de cœur, dans ces extrémités qui font tout oublier, il n'oublie pas son caractère de prêtre, et fait de la confession catholique une condition de l'aumône. À sa recette des soupes économiques que l'on distribuera aux pauvres, il ajoute qu'en distribuant on leur lira des prières en latin, des Pater , des Confiteor , des Ave , des Credo , et qu'on les leur fera «répéter et apprendre par cœur.» Mais quoi! si cet homme affamé est luthérien, calviniste, anglican, faut-il qu'il meure? faut-il qu'il abjure pour manger?
Les dames continuent glorieusement leur généralat. Elles remontent à cheval, et elles donneront des quenouilles aux hommes lassés ou pacifiques, entre autres au grand Condé. L'intrigue de Paris, l'ennui du Parlement,ses duels ridicules avec le petit prêtre, tout cela l'avait rendu malade: «J'ai assez, disait-il, de la guerre des pots de chambre.» Il était réellement un sauvage officier de la guerre de Trente ans, et il se fût déprincisé pour s'en aller, comme le duc de Lorraine, avec une bonne bande de voleurs aguerris, batailler en Allemagne. Ne le pouvant, tenu, lié par sa maîtresse, madame de Châtillon, qui muselait ce dogue, il eût accepté volontiers l'offre de Mazarin, de le laisser, roi du Midi, dormir tranquillement en Guienne. Mais sa sœur ne le voulait pas. Il eût fallu que madame de Longueville sortît du roman, tombât au réel, rentrât en puissance de mari, dans l'ennui de la Normandie. Donc, quand Condé fut en campagne, sa sœur et ses amis firent entre eux un traité où ils l'abandonnaient, s'il faiblissait, et lui substituaient, comme général, son petit frère bossu, Conti, élevé pour l'Église, uniquement dévot aux beaux yeux de sa sœur.
Condé céda, et madame de Longueville emmena triomphante ses deux frères, la Rochefoucauld, enfin ses lieutenants, à la conquête du Midi.
Mais, contre son drapeau de couleur isabelle, la reine, au nord, déploie le drapeau blanc, et, favorisée par la Fronde, mène une armée au-delà de la Loire. Elle n'avait que quatre mille soldats, il est vrai aguerris, de plus le roi, la jeune et blonde image de la royauté pacifique, et du repos futur pour lequel soupirait la France. Condé vit aller en fumée tout ce que ses amis lui promettaient pour l'entraîner. Tout sur la route suivit l'enfant royal. Les recrues ne tinrent pas devant notre vieille infanterie de Rocroyqu'alors menait Harcourt. Condé n'eut un petit secours des Espagnols qu'en livrant une place près Bordeaux et se brouillant avec ce parlement. Celui de Paris n'osa refuser d'enregistrer la déclaration qui le disait traître et l'allié de l'étranger.
Ceci le 4 décembre 1651. Et, le 18, le Parlement apprend par une lettre polie de Mazarin que, pour reconnaître les obligations qu'il a au roi et à la reine, il vient les délivrer; il a levé une bonne armée de dix mille hommes et la conduit en France.
Levé? avec quoi, s'il vous plaît? Avec son argent personnel, sur la fortune d'un homme arrivé sans un sou en 1639. L'examen des registres de son banquier Cantarini venait d'établir qu'il avait volé neuf millions (quarante, tout au moins, d'aujourd'hui).
L'homme qui offrait d'assassiner Condé, Hocquincourt, avait levé et conduisait cette bande, sous la noble écharpe verte de Giulio Mazarino.
Le Parlement a condamné Condé le 4. Le 30, il condamne Mazarin, qui vient faire la guerre à Condé. Le Parlement veut qu'on arme les communes pour arrêter le Mazarin, mais défend de prendre l'argent nécessaire pour cet armement. Il ordonne aux troupes de marcher et prohibe les moyens de pourvoir à leur subsistance, etc.
Sous sa grande fureur (simulée? ou sincère?), un sentiment contraire va se fortifiant, le désir de la paix. Un serviteur de Monsieur ayant hasardé le
Weitere Kostenlose Bücher