Histoire De France 1618-1661 Volume 14
dit: «Je le ramènerai, le tenant par le poing; je forcerai la reine à le recevoir.» Cet excès d'insolence la décida. Elle écrivit à Retz de venir la trouver la nuit. Elle lui offrit le cardinalat, s'appuya de cette Fronde, tant détestée, contre le tyran commun. On résolut d'arrêter les trois princes, Condé, Conti et Longueville. On y fit consentir Monsieur.
Mais Mazarin n'eût pas trouvé la pièce bonne s'il n'y eût mêlé une farce. Il tira de Condé, sous un prétexte, sa signature pour une arrestation, s'amusa à lui faire ordonner sa captivité.
Ce grand acte se fit fort aisément et sans cérémonie. Les princes vinrent d'eux-mêmes se mettre dans la souricière. Arrêtés par Guitaut et Comminges, ils furent menés la nuit par une petite escorte de vingt hommes à Vincennes (18 janvier 1650).
La sœur de Condé, la fière madame de Longueville, naguère si populaire, fut trop heureuse de se sauver. Mais, avant de partir, elle eut le temps de voir l'allégresse publique, les transports du peuple et les feux de joie. [Retour à la Table des Matières]
CHAPITRE XXII
SECOND ÂGE DE LA FRONDE.—LA COUR, APPUYÉE PAR LA FRONDE, CHASSE CONDÉ
1650-1651
Le héros sorti de la scène, elle appartient aux héroïnes. Nous allons voir les femmes, à peu près seules, mener la guerre civile, gouverner, intriguer, combattre. Grande expérience pour l'humanité. Belle occasion d'observer cette translation galante de tout pouvoir d'un sexe à l'autre. Les hommes traînent derrière, menés, dirigés, en seconde ou troisième ligne. À la tête de chaque parti, je vois ces nobles amazones, les Clorindes et les Herminies.
S'il n'y a pas beaucoup de suite, si tout remue, varie, ne vous étonnez pas. Elles sont filles d'Éole et tournent volontiers au vent de la passion. Ne les blâmonspas trop. Le vrai tort est à la nature. Ces brillantes guerrières n'en sont pas moins soumises aux révolutions de Phœbé. La femme la plus héroïque est pourtant sous le poids d'une fatalité naturelle; délicate de corps, d'imagination vive, faible souvent, et parfois lunatique.
La première héroïne, comme toujours, est madame de Chevreuse, mère complaisante, qui, fournissant sa fille au jeune prélat de Paris, plus que personne mène la Fronde. À elle l'honneur principal de cet acte hardi, l'arrestation du grand Condé.
Mais la plupart des femmes sont du parti de celui-ci. Son malheur, un roman tout fait, remue les cœurs généreux et sensibles. La gloire sous les verrous! Le héros pris en trahison et prisonnier de qui? De l'abbate Mazarini. Toute la dépouille des Condés distribuée aux sbires du favori, la Normandie à Harcourt, la Champagne à L'Hospital, etc. Une alliance monstrueuse entre le roi et le peuple. La reine maintient la Bastille dans les mains du fils de Broussel; elle donne aux magistrats les hauts emplois, et, ce qui est plus fort, aux rentiers même la surveillance des rentes! Renversement de toutes choses! La noblesse de France ne va-t-elle pas se soulever?
Mais rien ne bouge. Ni les clientèles militaires de Condé, ni ses nombreuses seigneuries, ni ses places, ses gouvernements, ne prennent parti. Bien loin de là, madame de Longueville, qui croit remuer la Normandie, y est repoussée partout. Elle fuit aux Pays-Bas, tourne à l'est; elle englue Turenne, mais ni lui ni elle ne peuvent rien qu'en s'adressant aux Espagnols, pourqui madame de Bouillon travaille de son mieux à Paris. Pendant que la belle amazone perd son temps, chevauche et parade, un secours plus direct et bien plus énergique fut donné à Condé du côté où il eût espéré le moins, de sa maison de Chantilly. Il y avait laissé sa vieille mère et sa jeune femme, son fils âgé de sept ans. Mazarin hésitait à faire arrêter ces deux femmes, craignant l'opinion. La mère vint se cacher à Paris, et, un matin, apparut dans le Parlement, suppliante, versant force larmes, descendant aux prières, aux flatteries et jusqu'aux bassesses.
Mais le plus étonnant fut le courage inattendu de la femme de Condé, cette jeune nièce de Richelieu, tant méprisée, avec qui il coucha par ordre, et dont l'enfant fut fils des volontés absolues du ministre. Elle s'était confiée à un homme de capacité, l'auteur des beaux Mémoires, Lenet. Il la sauva de Chantilly avec son fils, la mena d'abord à Montrond, forte place des Condés, puis, craignant d'y être assiégé, droit à Bordeaux. Le parlement de Guienne était brouillé à
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