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Histoire De France 1715-1723 Volume 17

Histoire De France 1715-1723 Volume 17

Titel: Histoire De France 1715-1723 Volume 17 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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hasards. L'épargne, accumulée par la sobriété ou l'avarice, sortit, s'aventura, se jeta aux coffres publics. Les aventures cruelles de banqueroutes, de réductions effrayaient un moment, l'attrait des gros gains ramenait. Une maladie secrète, propre à nos temps modernes, titillait, stimulait, démangeait en dessous,—le prurit des loteries, la douceur du gain sans travail.
    L'incertitude même, le plaisir du péril, était pour plusieurs un vertige qui, loin d'arrêter, entraînait. Nombre de sots glorieux trouvaient beau de prêter au roi, de l'aider aux hautes affaires, de guerroyer du fond de leurs greniers, de régenter et d'insulter l'Europe. Cela commence en France un peu après Colbert. Le rentier apparaît partout. À la place Royale, aux Tuileries, aux cafés, des bataillons de nouvellistes, petits bourgeois, mal mis, de tenue légère en décembre, n'en étaient pas moins fiers et cruels aux combats de langue, terribles au roi Guillaume, à la Hollande,informés de l'Europe jusqu'au fond du Nord même et suivant de l'œil Charles XII.
    Les cafés (nés de la Cabale , 1669) s'ouvraient partout en Angleterre, et à côté, la tabagie turque, hollandaise. Le gin fut trouvé en 1684, et bientôt, sans doute, le rhum, si cher à Robinson. On chercha une ivresse moins épaisse que celle de la bière, moins bavarde que celle du vin. On préféra la forte absorption de l'eau-de-vie. Cependant on fumait, on rêvait de report et de dividende. Sombre béatitude, où le spéculateur, au gré de la fumée, voyait monter ses actions.
    Tous ces muets, tous ces sauvages, au fond insociables, s'associaient pour les intérêts. Deux terrains se créèrent, où, sans se connaître, on put se rencontrer dans des combinaisons communes:
    Premier terrain, la Dette . Elle commence en 1692, et elle fait bientôt un milliard.
    Second terrain, la Banque (simplement de change et d'escompte), mais qui soutient l'État, lui prête de grosses sommes sans intérêt. Elle suspend un moment ses payements, mais bientôt renaît plus brillante.
    J'ai montré au dernier volume la large exploitation que firent les patriotes , sous la reine Anne, de ces deux terrains financiers, le jeu immense qui se fît sur la guerre, la hausse et la baisse, la vie, la mort. La vente des consciences au Parlement et la vente du sang (obstinément versé parce qu'il se transmutait en or), c'est le grand négoce du temps. Jeu permis et autorisé. Les plus austères, les hommes à cheveuxplats, à noirs habits, qui ont l'horreur des cartes, n'en ont plus horreur, quand ces cartes sont des vies d'hommes, les parties des massacres et le tapis vert Malplaquet.
    Les grosses fortunes d'argent qui se créèrent et les grandes fortunes territoriales firent une alliance tacite qui écarta les petites du gouvernement du pays. Cette révolution profonde, décisive pour l'avenir, passa presque inaperçue, en 1696. Les Communes avaient adopté (à grand'peine et à une faible majorité) un bill qui eût ouvert le Parlement aux petits riches qui avaient une centaine de mille francs. Ceux-ci, la plupart gentilshommes de campagne, eussent été aisément élus pour représenter la ville voisine. Il semblait que les lords, les Norfolk, les Sommerset, les Bedford, les Newcastle, hauts barons de la terre, dussent favoriser ces élections patriarcales de leurs petits voisins ruraux, qui, dans la vieille Angleterre, appartenaient, comme eux, au parti territorial (landed interest). Ce fut tout le contraire. Les lords rejetèrent le bill qui rendait éligible ces petits propriétaires, voulant mettre aux Communes leurs fils cadets, leurs intendants, ou des fonctionnaires dont ils avaient besoin, laissant aussi les marchands riches, les gros banquiers, entrer au Parlement par les achats de votes et la puissance de l'argent.
    Les Communes cédèrent. Et, dès lors, ce fut fait . L'Angleterre fut menée par cette ligue de grosses fortunes ou de terre ou d'argent, sans égard aux petits gentilshommes de campagne, où se trouvait la masse du parti Jacobite, beaucoup de catholiques, amis duPrétendant. Ses ennemis, surtout les banquiers, rentiers, spéculateurs, etc., qui croyaient son retour synonyme de la banqueroute, furent au gouvernail de l'État. Ils y constituèrent un grand parti, attentif, informé, qui, d'un œil perçant, regardait le continent, la France, et constituait pour l'Angleterre ce qu'on peut appeler une garde armée.
    Ce qu'ils avaient le plus à craindre, et

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