Histoire De France 1715-1723 Volume 17
France qui s'est ruinée pour sauver l'Espagne. Alberoni, qui vient de relever l'inquisition, se jette dans l'extrême opposé, cherche l'alliance protestante (V. Cox, Smollett, Mahon, etc.). Choquante inconséquence. Rien ne lui coûte pour gagner les devants. Il sacrifie le Prétendant, les dernières recommandations de Louis XIV et toute décence catholique.
En mettant à sa date, aux premiers jours de la Régence, ce coup inattendu qui la frappait, on explique parfaitement, on excuse en partie la fluctuation du Régent. La plupart des historiens font le contraire; ils racontent d'abord ses misères et ses fautes et celles même de 1716. Puis ils reviennent à ces affaires d'Espagne, de septembre 1715, relatent la négociation d'Alberoni, qui, déplacée ainsi et mal datée, ne signifie plus rien du tout.
Si le mauvais coup auquel Alberoni voulait employer Charles XII, l'absurde révolution qui eût mis le Prétendant à Londres, Philippe V à Paris, si cette folie criminelle eût pu se réaliser, elle nous eût retardé pour cent ans. Le Régent avec tout ses vices, toutes ses fautes, son Dubois et le reste, n'a pas empêché la Régence d'étinceler d'esprit et de lumières, d'être une des époques les plus fécondes et les plus inventives. Sous lui, la France et l'Angleterre sont évidemment le progrès . Oui, l'Angleterre, cupide et hypocrite, méthodiste et contrebandière, avec sa plate dynastie allemande et sa corruption de Walpole, l'Angleterre, avec tout cela, c'est le progrès . La France, vers 1720, par Montesquieu, Voltaire, Fontenelle, par l'Académie des sciences, surtout par ses grands voyageurs, dresse au plus haut le phare qui guide désormais la marche de l'esprit humain. L'Angleterre ouvre les mille voies d'activité pratique, commence sérieusement (ce que presque seule elle a fait) l'exploration des mers et la découverte du globe. [Retour au texte principal.]
Note 4: Deux écrivains se sont imposé de nos jours la tâche de réhabiliter Dubois.—À les en croire, tous les contemporains s'y étaient trompés, l'avaient calomnié. Les modernes aussi. Le très-exact et très-fin Lemontey, qui écrit aux Archives des Affaires étrangères, et devant les pièces, a partagé l'erreur commune, M. de Carné (1857), et M. de Seilhac (1862), rendent à ce pauvre Dubois sa robe d'innocence.—Ce qui frappe le plus dans cette découverte, c'est qu'elle semble se faire contre l'avis de Dubois même. Je ne crois pas qu'il en eût su gré à ces Messieurs. Il semble qu'il ait eu une prétention toute contraire. Dans ses correspondances spirituelles et facétieuses, il y a partout la fatuité du vice. Il s'étale, se carre, se prélasse. Il se flatte surtout d'être un drôle habile et retors. Il ne se fâchera pas du tout si on l'appelle un heureux coquin. Les faits, étudiés de très-près, m'obligent d'être de son avis contre ses panégyristes. La gravité magistrale de M. de Carné ne m'impressionne pas, quand je le vois affirmer des choses si étonnantes: Que Louis XIV aurait approuvé l'alliance anglaise» ( Revue des Deux Mondes , XV, 844-846), «que sous le Régent et Fleury, la population a presque doublé ,» etc. Et comment le sait-il? comment affirmer cette chose énorme, contre d'Argenson et tout le monde?—Pour M. le comte de Seilhac, je n'ai rien à lui dire. Il est du pays de Dubois, de Brives-la-Gaillarde. Il écrit d'après les papiers de Brives et ceux de la famille Dubois. Son premier volume contient des pièces curieuses. Je n'ai trouvé dans le second exactement rien. [Retour au texte principal.]
Note 5: La plume m'a glissé; mais je ne m'en dédirai pas. Dans un pareil milieu, entre la Tencin et la Fériol, Aïssé, qui se tient si haut, si noble, si désintéressée, est digne du respect de la terre. Ce mépris de l'argent, ce billet déchiré, serait une chose fort belle dans une vie quelconque; c'est sublime dans la situation dépendante de l'infortunée, qu'un peu d'aisance aurait affranchie. Son refus obstiné d'épouser celui qu'elle aime, sa délicatesse qui lui fait craindre qu'il ne se fasse tort en l'épousant, tout cela la rend adorable. La seule faiblesse de sa vie fut la reconnaissance. Pure et froide (ayant tant souffert), elle s'impose de faillir un moment pour ne pas laisser sans récompense une persévérance de tant d'années. Personne ne s'y trompe, ni son frère adoptif, Argental, l'ami de Voltaire, ni Bolingbroke, dont l'excellente famille couvre le petit
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