Histoire De France 1724-1759 Volume 18
l'espoir, défendit l'action .
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Le premier mot qui part, en 1734, le premier cri, c'est: « l'action .»
Voltaire, dans ses Lettres anglaises et la lettre contre Pascal, dit la grande parole, le moderne Symbole: « Le but de l'homme est l'action. »
Nous avons vu Voltaire à ce très-beau moment, qu'on pourrait dire son moment stoïcien, quand, pauvre, ruiné, au retour d'Angleterre, il était caché près Paris.
Aux jérémiades amères de Pascal sur les maux de l'homme, il répond noblement: «L'homme est heureux... Je suis heureux.»
Comment heureux? Par l'action.
L'action, but souverain de l'homme ; avec ce mot il n'était plus besoin d'épigrammes, ni de petits combats.Cela renvoyait au néant les dogmes de l'inaction, de la contemplation stérile.
Le but, entendez-vous? ce n'est pas le plaisir; ce n'est pas l'intérêt (à vous! Helvétius, Holbach! À vous, les modernes écoles de la matière et du plaisir).
Voltaire se croit sensualiste et disciple de Locke. Il ne l'est point au fond. Il se sépare très-bien de lui et de tous ceux qui croient la morale variable, qui ne reconnaissent pas une règle identique d'action .
Il se moque de Locke qui, sur la foi de voyageurs suspects, a la crédulité d'admettre que les Mingréliens s'amusent à enterrer vifs leurs enfants. «Mettons cela, dit-il, avec le perroquet qui tint au P. Maurice ces beaux discours en langue brésilienne, que Locke a la simplicité de redire.»
Et il n'est pas moins ferme contre le fatalisme. Contre Wolf, contre Frédéric, il proclame la liberté de l'action .
«La liberté dans l'homme est la santé de l'âme.» Plus on a la santé morale, plus on croit à la liberté. Le fataliste est un malade.
C'est un état artificiel, contre lequel protestent la conscience et la liberté intérieure .
Tout cela, beau en soi, l'est encore plus dans la situation. Il soutient cette thèse contre un homme qui va régner, le jeune prince de Prusse (1737-1738). Il tremble de le voir persister dans ce fatalisme qui endurcit le cœur. « Au nom de l'humanité , daignez penser que l'homme est libre.»
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La morale héroïque se prouve par les actes et les œuvres, la liberté par l'énergie.
Frédéric, qui en fit un si terrible usage dans la guerre de Sept Ans, fut converti par la victoire. Déjà vieux, il avoue (1771, 16 septembre) que nos actes sont libres, et que Voltaire avait raison.
Mais il n'est pas moins beau de le sentir par les revers, par l'excès des malheurs. Le jeune et profond Vauvenargues, martyr de la cruelle retraite de Prague (1741), fut le témoin du nouveau dogme par sa vie et par ses écrits.
Voltaire, les recevant (1744), lui écrit: «Beau génie, j'ai lu, j'ai admiré cette hauteur d'une grande âme... Si vous étiez né plus tôt, mes ouvrages en vaudraient mieux. Mais, au moins, sur ma fin, vous m'affermissez...»
À 30 ans, le jeune homme avait déjà passé par deux âges. Un de concentration stoïque, dans l'enivrement d'énergie où le jeta la lecture de Plutarque. Il se dépeint lui-même dans une lettre, comme il était alors: stoïcien à lier , désirant un malheur pour s'assurer de sa force intérieure. Plus réfléchi, il eut le second âge, celui de la force expansive qui dit: À tout prix l'action.
Là il est justement l'opposé de Pascal et du christianisme, de la morale d'abstention. Il accepte hardiment toutes les conditions de la vie, les passions comme aiguillons puissants de notre force active.
D'autres aussi, non moins anti-chrétiens, admettent la passion, mais l'emploient au bonheur. Vauvenargues l'emploie, comme degré pour s'élever, un escalierqui monte à la grandeur, aux nobles résultats qui serviront le genre humain.
Cette forte pensée ayant rempli son âme, et devenant lui-même, il donnait à sa personne modeste et réservée une autorité singulière. Le plus fougueux des hommes, Mirabeau (père de l'orateur), en écrivant à Vauvenargues (du même âge, ils ont 22 ans), lui parle en fils plutôt qu'en frère. Il l'appelle: «Mon maître.» Ce qui surprend bien plus, c'est que dans ce monde futile de jeunes officiers dissipés et rieurs, nul n'ait ri de la vie recueillie, des mœurs graves et pures de ce singulier camarade. Devant son austérité douce, ils ne sentaient que du respect.
Écoutons-le: «Blâmer l'activité, c'est blâmer la nature. Le présent nous échappe, nos pensées sont mortelles. Nous ne saurions les retenir. Si notre âme n'était secourue par cette
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