Histoire De France 1724-1759 Volume 18
protestants de Dantzig et de toutes les villes avaient aussi versé le sang? Rien de tel n'arriva, et la chose resta tout entière. Pour le malheur de la Pologne, les Jésuites eurent le dernier mot.
La parfaite ignorance de ce parti téméraire le lançait dans les aventures. Trois mois après l'affaire de Thorn, il menace, il provoque l'Angleterre et laFrance, renouvelle à Madrid le plan d'Alberoni,—mais plus fou, croyant cette fois se servir de son ennemi, s'armer de l'épée de l'Autriche (avril 1725)! Cela décida l'union de tout le monde protestant ( alliance de Hanovre , septembre).
J'ai dit le bizarre intérieur de la cour de Madrid, le Roi, un demi-fou, et les furies de la Farnèse. Nul plus honteux spectacle. C'est à la médecine beaucoup plus qu'à l'histoire qu'il appartient de l'expliquer. Le Roi, de faible esprit, qui eût dû être ménagé, était sous la main de deux femmes criardes, insolentes, grossières (comme les basses classes d'Italie), l' assafeta (femme de chambre) qui régnait, menait tout,—et la reine, non moins ignorante, violente, emportée, sans scrupules. Pour aller à leurs fins, faire obéir le Roi, elles tendaient horriblement la corde par les excès de vin, les épices et le reste. Elles usèrent sans mesure de cela. Et la reine eut trois règnes. Après celui de femme, de grossesses, de fécondité, elle le tint par les hontes secrètes (dont plaisantait Alberoni); et, en dernier lieu, quand il fut tombé à l'état animal, ne changeant plus de linge, velu, avec des griffes, d'autant plus aisément elle eut un règne de geôlier.
Et tout cela devant les confesseurs. La reine en avait un qui faisait ses affaires et écrivait pour elle, digne d'elle (on en a des lettres. V. Montgon ), un sot, un frère coupe-choux, qui écrivait comme un portier. Celui du Roi, tout autre, Espagnol, le P. Bermudez, dur et profond Jésuite qui ne désirait rien que l'extermination des jansénistes, brûlait de le voir à Versailles.Autant la reine poussait vers l'Italie, autant le Roi aimait, regrettait, désirait la France, pour la France elle-même, non pour la royauté.
Le Retiro, l'Escurial, S. Ildefonse, étaient les vrais châteaux des songes. Du plus haut au plus bas, tous rêvaient et politiquaient. Les confesseurs aux entre-sols, les grands, les majordomes, les valets dans les antichambres, sans cesse refaisaient la croisade et renouvelaient l'Armada. Les cuisiniers marmitonnaient l'Europe. Lieu admirable aux intrigants, aux charlatans dévots. Un aventurier, Riperda, Hispano-Hollandais, qui pour les affaires avait stylé Alberoni, vient un matin, est touché de la Grâce et se fait catholique. Même farce de l'abbé Montgon qui vient exprès de France pour admirer de près la sainteté du Roi, et, s'il le faut, se faire moine avec lui.
On savait que Philippe voulait alors passer en France (janvier 1724). Voyant le Régent mort, l'enfant très-chancelant, il faisait ses paquets. La reine avait baissé. Bermudez l'emportait. Ou faisait faire au Roi une chose extraordinaire, quitter le trône sur l'espoir d'en avoir un autre. Il croyait rassurer l'Europe par un semblant d'abdication, gouverner par son fils. Il avait ramassé une bonne somme pour le voyage et se tenait le pied dans l'étrier. Tout manqua. Le jeune roi d'Espagne mourut. Son père fut condamné à reprendre le trône.
Dans leur courte retraite, le roi, la reine avaient fort écouté le hâbleur Riperda, nouvel Alberoni, qui mena la reine d'Espagne comme l'ancien Alberoni menait alors à Rome la reine d'Angleterre, femme duPrétendant. Leur plan était le même, toujours le vieux roman jésuite, ramener le Stuart, catholiciser l'Angleterre, et par elle le reste du monde. Coup manqué tant de fois. Mais tout parut possible, dans l'aveugle fureur où les jeta le renvoi de l'infante (avril 1725). Se venger de la France, frapper l'Anglais, changer la face de l'Europe! tout fut aisé. Comment? Riperda s'en chargeait. «Il soldait l'Empereur, vieil ennemi, mais nécessiteux; il lançait sur la France son invincible prince Eugène, pendant que la flotte espagnole, aidée des vaisseaux russes, menaçait l'Angleterre. George, serré de près, effrayé, ne pouvait guère manquer de rendre Gibraltar. Faiblesse impopulaire, qui irritait son peuple, et lui coûtait le trône. Le Prétendant rentrait sans coup férir [9] .
«Un mariage unissait à jamais les deux grands princes catholiques, l'Espagnol, l'Autrichien. Celui-ci n'ayant
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