Histoire De France 1724-1759 Volume 18
inquiète. Elle fit la dévote et la bonneEspagnole, jusqu'à prendre la robe franciscaine, la robe des Mendiants. Cela dura huit mois au moins, en 1728.
Un jour enfin, sachant que Louis XV était relevé de maladie et notre reine enceinte, il se fit scrupule de son deuil, lorsque la France était en joie, et comme bon Français, comme parent désintéressé, il se leva, se fit la barbe, se montra gai et doux. La reine désirait ardemment qu'un nouvel enfant prouvât leur union et le fît croire libre. Elle y réussit en effet (17 mars 1729), elle conçut, et comme elle avait fait un vœu à saint Antoine si cela arrivait, elle nomma sa progéniture Antoinette.
Tout s'était arrangé par les intérêts domestiques qui seuls touchaient les rois.
L'Empereur, bon père de famille et docile à sa femme, ajourna ses plans de commerce qui irritaient l'Anglais, et eut ce qu'il voulait pour sa fille, la garantie qu'elle serait son héritière au mépris des droits électifs de tant de peuples et des lois de l'Empire (31 mai 1727).
Georges II n'est pas moins mené, fort doucement, par sa Caroline, fine, patiente, qui pour favorite a pris la maîtresse de George.
Pour bien consolider la maison de Hanovre, elle lui fait garder le ministère Walpole, qui répond de la France, et de la mécanique qui fait voter le Parlement (juin 1727).
Pour la reine d'Espagne d'avance elle est domptée par la famille. Walpole la corrompt par Carlos, l'enfant, futur roi d'Italie. Ne pouvant conquérir, convertirl'Angleterre, elle subit l'amitié hérétique qui la conduit à ce but désiré (9 novembre 1729).
Toute cette basse politique de famille et de femme, de nourrices et de nourrissons, d'arrangements domestiques, intérieurs, était au fond, fort claire, nécessaire et fatale. Œuvre de pure nature, non de diplomatie. Par une dérision singulière de la fortune, le plus oisif de tous, Fleury, parut le centre de l'action européenne, l'arbitre et l'auteur de la paix.
Walpole y fit beaucoup. Il avait intérêt à rendre Fleury important. Son frère, le jeune Horace Walpole, lorsque Fleury se retire à Issy, va le voir, reste son ami. George II arrivant, les Walpole usent de Fleury, le font parler pour eux, disent au nouveau roi: «Par Fleury nous tenons la France.»
L'Empereur, ne cédant qu'à son intérêt domestique, parut condescendre à Fleury, à son envoyé Richelieu, au pape, à la médiation de Rome et de Fleury.
Nous avons vu que ce faux politique, un prêtre au fond, louvoya au moment où la prêtraille jacobite croyait entamer l'Angleterre. Il donna le délai que l'Espagne voulait pour la vaine entreprise qui hasardait la paix du monde. Elle se fit pourtant, se refit, cette paix. Fleury en eut la gloire, triompha d'une affaire que tous avaient voulue et qui s'arrangeait d'elle-même.
L'histoire trop aisément accepte ce triomphe. Il faut en croire plutôt son bon ami Horace Walpole, selon lequel il fut ignorant, incapable aux affaires de l'Europe. Pour celles de la France, non-seulement il les ignorait, mais ne voulait pas les apprendre, éloignantavec soin tous ceux qui avaient eu part aux affaires. Torcy, Noailles lui auraient dit les choses, Saint-Simon les personnes. Les gens des deux Visa, Fagon, Rouillé, Barème, lui eussent éclairé le monde de finance auquel il se fia si sottement. Du personnel diplomatique il écarta les gens habiles et fins de la Régence, mit des sots à la place, des prélats imbéciles qui ne savaient rien que la Bulle. Villars dit et répète qu'on se moquait de nous.
«D'où vient, dit Louis XV à la mort de Fleury, qu'il n'y a plus d'hommes en France?» En tous les rangs marquants Fleury avait fait le désert. [Retour à la Table des Matières]
CHAPITRE IV
CHUTE DU SIÈCLE.—IMPUISSANCE DES JANSÉNISTES ET DES PROTESTANTS
1727-1729
«Les villages fondent partout et viennent à rien... On abandonne les campagnes pour se retirer dans les villes.» ( Argenson , sept. 1732; I, 145, édit. 1859.)
Mot d'un mécontent, d'un frondeur, dira-t-on. Villars, un de nos gouvernants, et membre du Conseil, dit justement la même chose (p. 359, édit. 1839).
Que veut dire ici Sismondi en affirmant sans preuves: que le travail reprit, que, par la mortalité même, le travailleur plus rare fut mieux payé, etc.? Pure hypothèse. Pas un fait à l'appui dans les écrits contemporains.
Pour les campagnes, c'est absolument faux. Pour les villes, peu exact encore. Les ouvriers de luxe, qui sont toujours
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