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Histoire De France 1724-1759 Volume 18

Histoire De France 1724-1759 Volume 18

Titel: Histoire De France 1724-1759 Volume 18 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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seules.
    Dès lors pourquoi une maîtresse? Le Roi n'était pas fort, quoi qu'on ait dit. On voit dans De Luynes,Argenson, etc., qu'il a souvent des défaillances. Parfois il se remet en buvant coup sur coup quatre verres de vin pur ( Barbier ). Il chasse. Mais le curieux tableau qu'on voit à Fontainebleau, montre qu'on le menait fort près de la chasse en voiture, en petit carrosse de femme.
    Le plus souvent la Nesle se tenait à Choisy, afin que la place fût prise. Mais le Roi allait et venait, souvent à Rambouillet près de madame de Toulouse, peu, très-peu à Versailles. Fleury s'en allait à Issy. Les ministres en vacances quittaient Versailles alors, s'amusaient à Paris ( Barbier , 3, 288). Ainsi point de gouvernement.
    La Nesle, enfonçant peu à peu, se décida enfin à traiter avec les Noailles. Elle avait éprouvé combien ils étaient dangereux. Pour la perdre, ils avaient tenté un piège assez grossier, d'employer un jeune homme, le fils de Noailles même, qui près d'elle ferait l'amoureux. Elle en rit, mais traita avec le père qui avait grande envie d'être chef du Conseil, traita avec sa sœur, madame de Toulouse, la pieuse maman du Roi. Celle-ci, qui pour l'affaire de son fils avait pâti dans sa vertu, s'immola encore plus peut-être pour la fortune de son frère et (ce qui surprit d'elle) sans décence ni précaution.
    L'excellent tableau de famille qui nous donne à Versailles le portrait de la dame, intelligente certes, avec de jolis yeux, sucrée, grassouillette et vulgaire, dit assez jusqu'où la commère pouvait aller dans l'intérêt des siens. Sa facilité maternelle, du Roi s'étendant aux deux sœurs, elle parut les adopter aussi, les embrassaet les enveloppa, leur fit de son appartement (ce lieu dévot, de deuil récent) un libre lieu commun, prêtant, dit d'Argenson, son lit, son canapé, son fauteuil et le reste. Honteux arrangement et fatal à la Nesle, qui, dans cette grossesse avancée, endurait les retours où s'amusait la malice du Roi, ou vers la maman complaisante, ou vers la jalouse Mailly qu'il consolait et qu'on crut même enceinte.
    La Nesle leur quitta la place, s'établit à Choisy, croyant y faire venir le Roi, le tenir seul. Absente elle laissait le champ aux ennemis. Un coup fut porté. Ce fut son mari même, un jeune homme léger, qui lui porta ce coup mortel. Dans une chambre au-dessus du Roi, il dit fort haut pour être entendu par la cheminée: «Il n'a après tout que deux laides.» Ce n'était que trop vrai. Elle n'avait jamais été belle. Elle était blanche, c'était tout. Elle n'était pas bien faite. Elle avait le cou mal attaché. La grossesse, cette terrible révélation de tout défaut, trahit ceux de sa taille. Le rire, sa grande puissance, n'embellit pas à ces moments. Le Roi ne la voyait pas laide. Il fallut que quelqu'un le dît. Il le sut dès ce jour, alla moins à Choisy. Gisante à son neuvième mois, elle se trouva là comme un meuble inutile. À l'immobilité du Roi, si nouvelle et si surprenante, on donna la raison plus surprenante encore et saugrenue: «L'argent manquait pour ces petits voyages ( Arg. ).»
    Dans l'absence du roi, elle était en péril. Elle avait provoqué non-seulement les plus hautes inimitiés, mais, ce qui est plus terrible, les basses. Les domestiques étaient ses ennemis. Son audace qui affrontaittout, non contente de changer l'Europe, allait jusqu'à changer, réformer la maison du roi. Elle avait touché même l'homme qui vivait avec lui, le tout-puissant valet de chambre, à qui le roi disait tout, rapportait . Elle osa dire un jour: «Vous allez rapporter cela encore à Bachelier?» Non moins imprudemment elle avait signalé le commerce de places qui se faisait autour du vieux Fleury par ses vieux, Barjac et Brissert (un précepteur de son neveu). Ce Brissert, à lui seul, avait gagné plus d'un million. Enfin, ce qui donna l'alarme au monde de valets qui grouillait à Choisy, mangeant, pillant, volant sur les petits soupers, c'est qu'elle supprima ces soupers et l'orgie de champagne, montrant au roi qu'on se moquait de lui. Elle lui fit faire ses comptes et lui prouva qu'un Lazare volait ses bouteilles, etc. Elle exigea qu'on chassât ce Lazare. Dès lors ils sentirent tous qu'avec elle on ne pouvait vivre. Elle était clairvoyante. Elle prévit et dit: «Je mourrai» ( Argens. , II, 234).
    Supprimer les soupers! exiger que le roi restât sobre et lucide, qu'il ne s'enivrât que d'amour! Seule occuper Choisy,

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