Il suffit d'un Amour Tome 2
souffre beaucoup... et parler lui est pénible.
Philippe serra les poings, jura qu'il allait faire jeter Garin dans une basse-fosse, le livrer au bourreau. Il lançait feu et flammes et, en même temps, sous le coup de l'émotion, de grosses larmes couvraient ses joues.
Ermengarde, habituée, n'y prit pas garde, mais Catherine regardait avec curiosité pleurer le duc. La comtesse finit par le calmer en lui faisait remarquer que, seule, Mme de Brazey pouvait porter plainte et que, si Garin était un époux brutal, c'était un excellent serviteur... Philippe voulut bien se laisser convaincre de ne pas déclencher un scandale en faisant arrêter Garin.
Il vint s'asseoir sur le bord du lit, prit l'une des mains enveloppées de bandages avec d'infinies précautions.
— Je suis désespéré, mon cœur, de vous voir en cet état ! Moi qui vous attendais le cœur tout plein de vous... Il faut vous soigner et vous bien soigner...
Il se tourna vers Ermengarde et ajouta :
— Ma mère vous réclame, je crois, Madame de Châteauvillain ?
— En effet, Monseigneur. Madame la duchesse est souffrante. Son état semble s'aggraver et elle souhaite mon retour.
Retardez de quelques jours ce retour et emmenez avec vous Madame de Brazey que je désire éloigner quelque temps de son époux. À Dijon, elle se remettra mieux et, sous votre garde, je serai tranquille pour elle. Puis-je vous la confier ? Elle m'est... infiniment précieuse !
— C'est un honneur, Monseigneur, fit la comtesse avec un nouveau salut.
Catherine ne pouvait faire moins que remercier Philippe de sa sollicitude.
L'idée de repartir avec Ermengarde lui souriait ; elle était heureuse de s'éloigner de Garin... et aussi heureuse de quitter Philippe. Au moins, elle allait avoir quelque répit pour penser à elle-même et à ses propres problèmes. Tandis que Philippe, de plus en plus ému par son lamentable état, prenait congé d'elle avec force soupirs et de nouvelles larmes, elle sentit tout à coup qu'elle pardonnait à Garin la formidable raclée qu'il lui avait administrée puisque, grâce à elle, l'échéance si redoutable s'écartait encore une fois... et pour un temps indéterminé. Ce ne serait pas encore cette nuit qu'elle deviendrait la maîtresse de Philippe ! Elle était libre de remporter, à moitié brisé mais vierge, ce corps qu'elle aurait tant voulu réserver à l'homme qu'elle aimait.
Pourtant, si elle pardonnait, elle ne comprenait pas. Pourquoi Garin l'avait-il à moitié tuée parce qu'il l'avait crue, toute cette nuit, auprès d'un autre homme ? Il ne l'aimait pas, il ne la désirait pas et même il la destinait à Philippe. Alors ?
Finalement, Catherine abandonna la question. Elle souffrait trop de sa tête et de tout son corps. Et puis la drogue calmante de Sara commençait à faire son effet. Philippe n'avait pas quitté la chambre depuis cinq minutes, reconduit par Ermengarde jusqu'à la porte de la rue, qu'elle succombait au sommeil. Sara était retournée s'asseoir au coin de l'âtre. Ses yeux noirs fixaient les flammes comme pour y lire d'invisibles choses. La rue était silencieuse. On entendait seulement le pas du cheval de Philippe qui s'éloignait...
On quitta Arras quelques jours plus tard. Catherine était loin d'être remise, mais elle ne voulait pas retarder outre mesure son amie Ermengarde. De plus, elle avait hâte de rentrer chez elle et de s'éloigner, le plus vite possible, de cette cité dont elle ne conservait pas un souvenir excellent. Grâce aux soins vigilants de Sara et de la comtesse, aux nombreux baumes dont elles avaient enduit, deux fois par jour, ses blessures, la jeune femme avait vu s'alléger considérablement l'épaisseur des pansements. Le jour du départ, elle n'en conservait plus que trois ou quatre, un à l'épaule, deux aux cuisses et un emplâtre sur les reins. Du reste, Sara disait que le grand air activerait la guérison. Le matin du départ, elle s'était contentée d'habiller chaudement sa maîtresse car, bien que l'on atteignît les premiers jours de mai, le temps demeurait frais. Elle lui avait passé des gants doublés de peau fine, dont l'intérieur était oint d'une huile adoucissante, et pour cacher son visage où quelques ecchymoses demeuraient visibles, entre autres l'œil gauche résolument poché, elle lui avait entouré la tête d'un voile assez épais pour dérober le plus gros des dégâts.
Étant donné l'état de faiblesse de Catherine, le voyage devait se faire dans
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