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Il suffit d'un amour

Il suffit d'un amour

Titel: Il suffit d'un amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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l'Yonne, les emmènerait jusqu'en Bourgogne.
    — J'aurai besoin de toi, Sara, ajouta Barnabé. Mais ensuite tu seras repérée...
    La gitane haussa les épaules avec insouciance :
    — Je partirai avec elles si elles veulent de moi. Cela ne sera pas un grand sacrifice. J'en ai assez de Maillet- le-loup. Il s'est mis en tête de coucher avec moi et toutes les nuits je le repousse. Il est de plus en plus mauvais et menace de m'envoyer danser devant Mâchefer. Tu sais ce que cela veut dire ?
    Barnabé fit signe que oui et Catherine se retint d'en taire autant.
    Mais une sainte colère bouillait en elle car elle s'était prise d'affection pour son étrange médecin et comprenait que, malgré sa peau foncée, Sara-la-Noire était assez belle pour être admise par Mâchefer au nombre de ses femmes. Glissant sa main dans celle de son amie, elle leva sur elle son regard caressant qui à cet instant, était doré comme une journée d'été.
    On ne se quittera plus, dis, Sara ? Tu viendras avec nous chez l'oncle Mathieu. N'est-ce pas Maman ?
    Jacquette sourit tristement. Naguère encore si gaie, si vivante, la solide Bourguignonne semblait devenir chaque jour un peu plus transparente. Ses joues perdaient leurs couleurs et se fanaient, de grands plis se creusaient dans son visage encore si lisse et si frais avant les épreuves traversées. Son corselet lacé flottait maintenant sur une poitrine amaigrie.
    — Sara sait bien que, là où nous serons, il y aura toujours place pour elle. Est-ce que je ne lui dois pas ta vie ?
    D'un même élan les deux femmes, nées à des pôles si éloignés, se jetèrent dans les bras l'une de l'autre en pleurant chacune sur les douleurs de l'autre. Le malheur les avait faites semblables. La bourgeoise était aussi déracinée que la fille de l'air et du vent, que la nomade des routes du monde dont les aïeux avaient suivi les hordes de Gengis-Khan. La solidarité féminine, étrangement puissante quand aucune rivalité ne s'en mêle, jouait à plein entre les deux femmes et Jacquette eut volontiers appelé Sara, sa sœur.
    Barnabé qui avait pris Catherine dans ses bras et la faisait sauter comme un bébé, renifla brusquement, s'essuya le nez à la manche de sa souquenille et déclara :
    — Assez d'attendrissements. J'ai faim. Et puisque nous voilà de la même famille, soupons en famille. J'ai volé quelques darioles à Isabeau-la-Gourbaude, elles seront pour toi, mignonne, ajouta-t-il en sortant de sa poche les pâtisseries bien dorées.
    Il y avait longtemps que Catherine, qui était gourmande au moins autant qu'Isabeau la bien nommée, n'en avait vues. Elle en croqua une avec délice puis brusquement colla ses lèvres toutes sucrées de miel à la joue mal rasée du Coquillart.
    — Merci Barnabé !...
    La surprise du bonhomme fut telle qu'il faillit laisser choir l'adolescente. Il la posa à terre et s'éloigna liés vite vers un coin sombre où il rangeait ses fausses reliques. On l'entendit renifler plusieurs fois...
    Demain, ils vont mener au billot l'ancien prévôt, Pierre des Essarts.
    Toute la ville ira à Montfaucon. Ce sera le moment...
    La tête hirsute de Mâchefer, débarrassée de ses ulcères fictifs, passait par la porte de Barnabé. Le Coquillart était occupé à enfermer dans de petites boîtes de cuivre des morceaux d'os sur lesquels il mettait une petite bande mince de papier portant quelques caractères gothiques.

    — Entre ! fit-il seulement.
    Catherine était près de lui, très intéressée par son travail mais il était trop tard pour la cacher. Mâchefer l'avait vue.
    — Qui est celle-là ? fit-il en pointant vers elle son gros doigt sale.
    — La sœur de la Loyse qui est chez Caboche. Mais pas touche, Mâchefer, elle est comme qui dirait ma fille adoptive !
    Le roi des ribauds considérait la jeune fille cramponnée à l'épaule de Barnabé avec un étonnement où perçait un peu de colère.
    Catherine, que Sara venait de coiffer, montrait sa tête nue et, à la lumière du feu, ses nattes brillaient comme des torsades d'or pur, ses yeux aussi et elle se dressait comme un petit coq en l.ice de Mâchefer, tendue dans la volonté de ne pas montrer sa peur. L'homme avança une main hésitante, loucha l'une des nattes puis grogna : Vieux filou !... J'ai comme une idée que tu m'as roulé. Si la grande sœur dent les promesses de la petite, ça doit être une fière beauté.
    La main sèche de Barnabé rabattit celle du borgne.
    — Elle ne lui ressemble pas,

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