Jacques Cartier
son tour, peut-être, il soit, dans la suite des âges, dominé par une race au cerveau plus développé que le sien.
Le fait est possible, douteux cependant. En ses diverses Relations, Cartier n'en souffle mot ; le nom semble dater de la fondation de la ville par Champlain, vers 1608. Ce nom a été l'objet des plus chaudes contestations, tant en Amérique qu'en Europe ; aujourd'hui même, doctores certant, etc. Je serais mal venu de prétendra trancher le différend. Avouons pourtant qu'il semble bien jugé par Hawkins dans son New Picture of Québec.
Je me sentais tout prêt à contester avec lui que Québec est un nom français de souche, appliqué souvent sans doute a des localités françaises (puisque sur son sceau, gravé en 1420, Guillaume de la Pôle, comte de Suffolk, s'intitulait seigneur de Hambourg et de Québec), quand, consultant le Dictionnaire de Trévoux à l'article Bec, j'ai trouvé l'explication suivante :
«Quelques lieux particuliers ont pris le nom de bec, comme Caudebec, Bolbec dans le pays de Caux. Et ordinairement, en ces lieux-là, il y a une jonction de deux rivières ou ruisseaux, ce qu'on appelle confluents, ou du moins quelque ruisseau ou torrent. C'est de là que sont venus les noms de l'abbaye du Bec, de Caudebec, d'Orbec, de Robec, selon Icquez, qui remarque que les Normands ou peuples du Nord ont porté en Neustrie, chez les Français, le mot bek, qui veut dire ruisseau, torrent.»
Les habitants du Cher disent encore le bec, pour exprimer l'embouchure de la rivière qui a donné son nom à leur département.
Or, Québec est placé sur un promontoire ou un bec, au confluent de la rivière Sainte-Croix ou Saint-Charles, dans le Saint-Laurent ; donc la question est jugée sans appel. Il est parfaitement oiseux de violenter le sens des mots ou leur assonance, comme ceux qui supposent entendre Québec dans Cabir-Coubat (nom indien du Saint-Charles), pour déterminer l'origine du mot Québec. Soit que, suivant La Potherie, il faille l'attribuer aux compagnons de Jacques Cartier s'exclamant «Quel bec !» à la vue de la pointe formée par le Saint-Laurent et le Saint-Charles ; soit que ce nom remonte à une date postérieure, il est essentiellement français, par droit de naissance, et doit être considéré comme tel.
Un malheur, c'est que ces Indiens trouvés par Jacques Cartier, comme ceux découverts par Christophe Colomb, étant, en masses, bons, doux, serviables,—quoique défiants, et cela se comprend assez, de reste,—on les ait rendus méchants, durs, féroces.
Ni le catholicisme, ni le protestantisme n'a fait une oeuvre profitable chez eux. Quelques superstitions de plus, c'est là tout, sans compter l'hypocrisie et l'avilissement. Le sauvage avait son caractère à lui, sui gèneris ; il était fin, il était grand, magnanime souvent [Voir mes Derniers Iroquois.].
Notre lumière lui a perverti les sens plutôt que de le servir. Rien d'étonnant à cela. Il n'y avait pas remède. Condamné à s'éteindre, il s'éteint. Quoi qu'on en ait dit, notre tour viendra comme est venu le sien. Sa ruine date de l'heure où les Européens débarquèrent sur ses rivages. Il semble que Donnacona ait eu l'instinctif pressentiment de ce qui écherrait à ses compatriotes. Avec Cartier, son caractère n'est pas égal. Il aime, mais il a peur. Il attire les Français près de son village, mais il les redoute. A peine sont-ils installés au havre de Sainte-Croix qu'il les voudrait au loin et conspire contre eux.
La situation était, je le répète, convenable et plaisante au possible. Un éclair de génie avait illuminé Cartier dans le choix de l'emplacement. La position exacte du port Sainte-Croix, où il demeura du 15 septembre 1535 au 6 mai de l'année suivante, a fourni matière à de vives discussions. A présent, on semble d'accord. Cartier passa l'hiver dans une anse de la rivière de Saint-Charles, aux environs de l'ancien pont Dorchester et de l'hôpital maritime de Québec. La découverte, en 1843, de l'épave d'un vieux navire, dans cet endroit, est venue corroborer la précédente opinion, car cette épave de navire parait être celle de la Petite-Hermine, abandonnée par Cartier, lors de son départ pour la France (1536).
Dans toute son étendue, le Saint-Laurent n'offre peut-être pas un port mieux abrite.
«Ce point, par la distribution des montagnes, des plaines, des coteaux, des îles autour du bassin de Québec, est, dit M. Garneau, un des sites les plus grandioses,
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