La campagne de Russie de 1812
:
« J'attends
avec impatience notre rencontre pour déclarer personnellement
combien les nouveaux services que vous avez rendus à la patrie
et, on peut l'ajouter, à l'Europe tout entière, ont
redoublé l'estime que je vous ais toujours portée et
que je garde pour vous toute ma bienveillance. »
Seulement. de
« l'estime » et de la « bienveillance »,
ce n'était guère chaleureux ! Le tsar déteste
toujours le vainqueur de Napoléon et, à la première
occasion, se débarrassera de lui : « Ce qui est
fort nécessaire », précisera-t-il même
à Saltykov avec cruauté...
Le mercredi 23
décembre, à 5 heures de l'après-midi, Alexandre,
accompagné par le prince Volkonsky, fait son entrée à
Vilna en troïka. Sur le perron de l'archevêché que
le tsar, puis Napoléon, avaient occupé, Koutouzov
l'attend en grand uniforme, couvert de décorations. Il en
manque cependant une : celle de l'ordre de Saint-Georges de première
classe, une lourde croix d'émail bleu, dont le ruban jaune
rayé de noir barre la poitrine. Ce sera chose faite après
la première conversation entre les deux hommes. La décoration
lui sera apportée sur un plateau d'argent au cours d'un bal
donné par le généralissime.
Le 24 décembre,
lors d'un banquet offert en l'honneur de l'anniversaire du tsar,
Koutouzov « émet l'espoir que, malgré la
guerre, la langue française serait encore employée par
l'élite russe comme par le passé ».
Et il est approuvé
!
Cependant, pour le
tsar, la guerre n'est pas terminée :
– Rien
n'autorise l'arrêt de nos troupes, même pour une brève
période à Vilna.
Koutouzov estime
que le confit qui vient de s'achever est une guerre patriotique et
n'a rien à voir avec un conflit politique. Puisque le
territoire de la sainte Russie est libéré, pourquoi
poursuivre Napoléon ? Mais le tsar veut abattre celui qui a
envahi et dévasté son pays :
– Si l'on
veut une paix stable et durable, c'est à Paris qu'il faut la
signer.
Aussi, au nom du
tsar, Koutouzov fait-il rédiger cet ordre de marche destiné
à l'armée : « Sans nous reposer sur nos
lauriers nous reprenons la marche, nous franchirons la frontière
et nous nous efforcerons de parachever la défaite de l'ennemi
sur son propre sol. »
Aussitôt,
les défections des « alliés » se
précipitent en chaîne. Le général prussien
York signe avec la Russie une capitulation définitive. Son
corps devient neutre ... en attendant, bien sur, de se
retourner contre Napoléon et de combattre les anciens
compagnons d'armes. Déjà Schwarzenberg, à la
tête des forces autrichiennes, a abandonné la Volhinie
et, au lieu de rejoindre les troupes françaises du vice-roi
Eugène prend le chemin de Vienne.
La Grande Armée
a vécu...
*****
Koutouzov, à
la suite d'un refroidissement, devait disparaître de ce monde
au mois d'avril 1813 et c'est, en effet, à Paris, comme
l'avait décidé le tsar à Vilna, que le matin du
jeudi 31 mars 1814 – Napoléon ayant mordu la poussière
après son admirable campagne de France –, il fit son
entrée dans la capitale, chevauchant fièrement sa
monture Éclipse, cadeau de l'Empereur aux portes d'Erfurt...
Et le soir, on chantera à l'Opéra :
Alexandre,
Vive ce Roi des rois !
Napoléon
est encore à Fontainebleau et abdique le 6 avril. Autour du
maître vaincu, tout s'écroule. Maréchaux,
généraux, domestique s'empressent de fuir. Lorsque le
préfet de Seine-et-Oise, le comte de Plancy, arrive au
château, il ne trouve même pas un laquais pour l'
accueillir ! Il pousse une porte, puis une seconde, il se trouve en
face de l'Empereur seul, tristement appuyé contre une
embrasure de fenêtres. « On aurait dit que Sa
Majesté était déjà enterrée »,
racontera le général Petit.
Que va-t-on faire
de Napoléon ?
Les Anglais
voudraient l'expédier aux Açores – Saint-Hélène
sera pour l'an prochain ! L'empereur d'Autriche écrit à
Metternich afin qu'on envoie son gendre et perturbateur de l'Europe
le plus loin possible. En 1815, le Prussien Blücher voudra même
faire fusiller Napoléon devant le front de ses troupes
victorieuses !...
Alexandre se
montre le meilleur soutien de l'Aigle blessé :
– S'il vient
en Russie, déclare-t-il à Caulaincourt, je le traiterai
comme un souverain. S'il se fiait à moi, il trouverait
peut-être plus en Russie qu'ailleurs tous les droits qu'ont sur
moi le malheur et le caractère d'un grand homme. Il m'a
méconnu, et
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