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La campagne de Russie de 1812

La campagne de Russie de 1812

Titel: La campagne de Russie de 1812 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: André Castelot
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Le radeau fleuri
    « J'ai
vu tant de choses extraordinaires, disait voltaire, qu'il n'y a plus
rien d'extraordinaire. » S'il avait pu vivre assez
longtemps pour assister au spectacle qui fut représenté
le matin du jeudi 25 juin 1807 non loin de la Baltique et de la
petite ville prussienne de Tilsitl 1 ,
sur les eaux mêmes du Niémen, Voltaire aurait assurément
changé d'avis.

    Quel spectacle
fabuleux, en effet ! Et l'on chante déjà :

    J'ai vu deux
maîtres de la Terre sur un radeau,
J'ai vu la Paix, j'ai vu la
Guerre,
Et le sort de l'Europe entière.

    Au milieu du
fleuve, marquant alors la frontière entre la Russie et la
Prusse occupée par les troupes françaises, a été
amarré un vaste radeau orné de guirlandes fleuries et
sur lequel a été montée une double tente. Du
côté français on a placé une grande
initiale : un N, tandis que l'autre « façade »
est ornée d'un A.

    Le pavillon attend
la réconciliation du vainqueur et du vaincu de la toute
récente bataille de Friedland, autrement dit l'empereur
Napoléon et le tsar Alexandre Ier de Russie. Bien Sûr,
On a volontairement omis d'inviter le second vaincu : le roi de
Prusse, Frédéric-Guillaume III. Ce dernier vient
implorer la paix pour son pays, a accompagné le tsar jusqu'à
la rive droite du fleuve, mais, pitoyable, se sentant absolument
inutile, il y demeurera et assistera de fort loin à cette
première entrevue chargée d'Histoire.

    Alexandre, suivi
par son frère le grand-duc Constantin, campe dans une masure
située sur le bord même du Niémen. Le tsar –
cheveux blonds tirant sur le roux – porte l'uniforme vert et
rouge de général du fameux régiment
Preobrajenski. Sa culotte est blanche, il est coiffé d'un
large chapeau surmonté de plumes noires et blanches agitées
par le vent. Les mains gantées de blanc, il attend et pense
assurément à ce que vient de lui conseiller son frère
Constantin :

    – Si vous ne
voulez pas faire la paix, eh bien, donnez à chacun de vos
soldats un pistolet chargé et commandez-leur de se brûler
la cervelle.

    Quelques jours
avant la rencontre, le vainqueur de Friedland avait confié au
général prince Lobanov Rostovski :

    – Le temps
passe l'éponge sur tous les souvenirs et, de toutes les
alliances, celle du tsar serait peut-être celle qui me
conviendrait le plus.

    Et Alexandre,
lorsqu'on lui avait rapporté le propos avait répondu :

    – L'alliance
de la France et de la Russie a toujours été l'objet de
mes désirs, je suis convaincu qu'elle seule pourra garantir le
bonheur et le repos de l'univers.

    Mais est-il
sincère ?

    Sur la rive gauche
du Niémen. le tsar voit au loin la Garde impériale
française qui, en grande tenue, coiffée de hauts
bonnets d'ourson, est en train de se ranger en bon ordre. À
l'instar de leur maître, qui vient d'écrire avec orgueil
à Fouché : « Mes aigles sont arborées
sur le Niémen », les vainqueurs de Friedland
bombent fièrement le torse : « Tout le monde était
fou, a rapporté l'un des grognards. Les officiers étaient
parmi nous pour que rien ne manque à notre belle tenue : les
queues des coiffures bien faites et bien poudrées, les
buffleries bien blanches. »

    Soudain, un
cavalier survient sur la rive russe au grand galop de son cheval. Il
s'arrête devant la masure : c'est le prince Lobanov qui a
reconnu, de l'autre côté du neuve, la silhouette de
Napoléon.

    – Il arrive,
Sire, annonce-t-il à Alexandre.

    Silence de mort
sur la rive russe, mais du camp français montent
d'enthousiastes vivats. Aussitôt les deux empereurs prennent
place dans leurs barques respectives qui, à force de rames, se
dirigent vers le radeau fleuri. Quant au lamentable roi de Prusse, il
demeure piteusement à cheval sur la rive russe et, on ne sait
trop pourquoi, fait même entrer sa monture dans le fleuve
jusqu'au poitrail. Frédéric-Guillaume se trouvait
pourtant chez lui à Tilsit et directement intéressé
à l'entrevue, puisqu'on allait dépecer sans vergogne
ses États pour le punir d'avoir déclaré la
guerre à la France.

    Napoléon,
revêtu de son habituel uniforme de colonel de la Garde, coiffé
de son chapeau légendaire, atteint le premier le radeau et
s'avance vers Alexandre qui débarque à son tour. Les
deux empereurs s'embrassent et, cette fois, des deux rives montent
des vivats.

    – Sire
déclare le tsar, je hais les Anglais autant que vous.

    – En ce cas,
s'exclame l'Empereur, la paix est faite

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