La grande vadrouille

noire s’échappa du Fieseler-storch. Il avait été atteint par des balles destinées aux planeurs.
    Reginald, Augustin, Stanislas, constatant la faute ébouriffante du tireur, éclataient d’un rire énorme.
    L’aviateur allemand sauta en parachute. C’était un as, la poitrine chargée d’étoiles.
    Une fois à terre, il s’abattit sur le servant de la mitraillette pour le molester, mais s’arrêta : le sous-officier maladroit n’était autre que le bigleux de la cave de la Kommandantur…
    Il y gagna la réforme définitive.
    Achbach observait les planeurs, fasciné :
    « Quelle main d’or, quel œil, quels pilotes ! Et mon tireur, quel crétin ! Je suis battu sur toute la ligne. Les miracles sont fatigués de travailler pour nous », se dit-il tout bas.
    — Arrêtez le tir ! ordonna-t-il tout haut, ils sont déjà en zone libre !
    Et il fit la grimace chagrine d’un enfant à qui on a brisé son jouet.
    Il avait pris l’habitude de poursuivre ces gens-là. Ils allaient lui manquer maintenant.
    Les planeurs, se glissant entre deux nuées, s’envolaient vers le soleil. La falaise s’éloignait de plus en plus. Des points noirs s’agitaient comme des insectes travailleurs : les Allemands.
    — Youpie ! cria Peter.
    — Wao ! claironna Mac Intosh. Marie-Odile, les larmes tout près des yeux, murmurait :
    — Merci, mon Dieu…
    — Permettez, sister, dit Mac Intosh en l’embrassant sur la joue.
    —  Me too ! dit Peter en l’imitant.
    — Regardez ! dit-elle joyeuse :
    Par une échancrure de nuages, ils virent une maison où flottait un drapeau français.
    D’une seule voix, Reginald, Stanislas et Augustin s’écrièrent :
    — La zone libre !
    Augustin brailla à pleine gorge :
    — On est sauvé ! Sauvés ! Sauvés ! Stanislas se mit à chanter. Dès qu’il avait une joie, la musique l’accompagnait. Il attaqua la célèbre Marche Hongroise de la Damnation de Faust :
    —  RAM, BA LA RAM, BALA RAM RAM RAM !
    Dans les deux planeurs, on reprit en chœur avec des voix éclatantes de gaieté.
    L’air devint plus pur.
    Le ciel plus clément.
    Les frontières ont vraiment un surprenant pouvoir en certaines circonstances.
    Le Squadron-Leader en fit la remarque en plaisantant follement :
    — Merveilleuse invention, cette ligne de démarcation ! J’en ferai tracer une à Londres, autour de la chambre de ma belle-mère.
    Une hirondelle voltigeante frôla le planeur et s’enfuit vers le sud.
    Encore un bel été de guerre qui finissait…

L’IMPRIMERIE HÉRISSEY
    Á ÉVREUX (EURE)
    A COMPOSÉ CET OUVRAGE
    EN MAI 1967.
     
     
    N°d’imprimeur : 3946

    Imprimé en France

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    [1] Les auteurs de ce récit se sont livrés à des recherches pour retrouver ce fameux article. En lisant un volume de Bernard Gavoty : "La musique adoucit les mœurs", ils ont découvert à leur grande surprise que le chef d’orchestre pris pour modèle n’était pas Stanislas Lefort mais Wilhelm Furtwangler !