La grande vadrouille
vous ai assez vu…, je vous ai tellement assez vu que je fous le camp…
— Vous foutez le camp ? Mais comment ?
— Vous allez voir… Et moi, je suis plus chic que vous…, je vous emmène…
Le peintre frappa discrètement à la porte.
Le factionnaire, adossé à cette porte, l’ouvrit et pénétra dans le réduit.
Il regardait d’un œil torve les deux détenus vêtus en feldgrau.
— Ia ?
Stanislas et Augustin firent alors le salut hitlérien.
L’homme y répondit, par automatisme militaire.
De leurs bras tendus, les Français lui assénèrent un formidable coup de karaté. La sentinelle s’écroula.
Visages parfaitement innocents, Augustin et Stanislas sortirent et traversèrent paisiblement le vestibule. Ils allaient atteindre la grande porte. Au même instant, Achbach apparut, escorté du commandant. Il livra Peter à son garde qui le conduisit vers le grand escalier pour retourner à sa cellule.
Peter, Augustin et Stanislas, dos à dos, n’avaient pu se voir.
Mais alors que Peter abordait l’escalier, Reginald et Mac Intosh sortaient par la porte de la cave, se dirigeant eux aussi vers la sortie. Ils étaient déguisés en allemands, ayant dérobé les uniformes des deux larrons assommés et laissés ligotés et bâillonnés dans la cave.
Peter, en un éclair, les vit. Éperdu de saisissement et voulant à tout prix signaler sa présence à ses amis, il s’avisa aussitôt de créer un incident.
Lequel ? Il n’avait guère le choix.
Le garde le tenait par le bras. Il s’en dégagea avec une violence imprévue et hurla en anglais, afin d’attirer l’attention de ses camarades :
— Ne me brutalisez pas ! Je ne vais pas m’évader…
L’imploration véhémente fit que tout le monde, dans le hall, se retourna ; Stanislas et Augustin virent alors Peter sur l’escalier. Reginald et Mac Intosh découvrirent avec stupeur eux aussi que Peter était là, à quelques pas…
Mais le commandant de la place, qu’accompagnait Achbach, avait le premier aperçu les deux Français plantés au milieu du vestibule, éberlués, en liberté !
Il les désigna au major avec le sourire d’un speaker qui présente des vedettes. Le gros Prussien, calmement, héla Stanislas et Augustin :
— Par ici, leur dit-il désignant son bureau comme un salon de coiffure. Aux premiers de ces messieurs.
Reginald et Mac Intosh se retournèrent encore, alertés par cette invite lancée d’une bonne voix de commandement.
Cette fois, c’est Stanislas et Augustin qu’ils surprirent habillés comme eux en soldats allemands.
Les deux Français avaient certes raté leur fuite, mais ils étaient rassérénés de voir Reginald et Mac Intosh, libres, d’agir dans la place, grâce à leur déguisement.
Reginald adressa un imperceptible clin d’œil complice aux Français.
Ils avançaient vers le bureau du Major, Stanislas glissa, contre ses dents, à Augustin :
— Gagnons du temps !…
— Compris…, répondit le peintre sur le même ton.
Pendant qu’ils entraient dans le bureau d’Achbach, Reginald et Mac Intosh se dirigeaient vers l’escalier à la suite de Peter et de son geôlier.
Achbach, de ses yeux flambants, sonda Stanislas :
— Ah !… Monsieur le chef d’orchestre… pour cette fois, c’est moi qui tiens la baguette et c’est vous qui allez chanter…
*
* *
Dans le vestibule, le petit incident était clos. On en voyait tant d’autres, tous les jours, et de bien plus graves.
Reginald et Mac Intosh montaient rapidement l’escalier derrière Peter qu’entraînait son geôlier.
Au passage, le Squadron-Leader, comme il aurait raflé une bouteille de bon vin, s’empara d’une lourde urne de pierre sur son socle qui décorait le vestibule.
Peter avec son garde arrivait devant sa cellule. Mais voilà qu’au moment où le fonctionnaire allait refermer la porte de la cellule, les Anglais le repoussèrent à l’intérieur de la pièce tout en entrant à sa suite. La porte se referma. On entendit le bruit sourd d’une potiche qui se brisait, et le gémissement d’un corps lourd qui tombait sur le sol…
Après quelques minutes la porte se rouvrit. Reginald et Mac Intosh en sortirent, suivis de Peter, lui aussi en allemand, ayant passé en vitesse l’uniforme de son garde étrillé.
Les trois hommes, calmement, redescendirent les escaliers. Reginald, au passage, poussa le scrupule jusqu’à remettre délicatement à sa place sur le socle vide le pied de
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